Compte-rendu de la retraite du 21 au 25 août 2017

Retraite du 21 au 25 août 2017 avec le P. Augustin Pic, OP

Dans une retraite sacerdotale, comme dans un office liturgique, il y a le « commun » et le « propre ». Dans l’Opus Sacerdotale, le commun, c’est la date et le lieu ; le propre, c’est le prédicateur et l’auditoire.

 

Voici d’abord le « commun ». Comme les années précédentes, nous nous sommes retrouvés la première semaine suivant le 15 août, du lundi après-midi au vendredi midi. La durée est un peu brève, mais commode pour les prêtres exerçant un ministère paroissial où il est difficile de se faire remplacer. L’abbaye ND de Fontgombault nous accueillait avec son hospitalité coutumière dans les bâtiments de son hôtellerie – dont la rénovation est en projet. En plus du vivre et du couvert, elle nous offrait, à nouveau, le cadre apaisant et édifiant de sa belle liturgie.

 

Venons-en au « propre ». La « cuvée » 2017 réunissait une vingtaine de retraitants, en nombre plus restreint que le millésime exceptionnel de 2016. On y retrouvait bien des visages familiers, de divers âges et « religions », comme on disait au XVIIème siècle. La plupart étaient prêtres diocésains ou membres d’Instituts Ecclesia Dei, les uns et les autres attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Outre plusieurs régions de France, l’Afrique était représentée par par un prêtre du Congo et un missionnaire Fidei Donum. Un prêtre des Missions étrangères de Paris faisait résonner l’appel de la moisson en Asie. Les trois fidèles laïcs, amis de l’Association, présents à la retraite nous ont édifié par leur piété et leur régularité.

Mais l’originalité d’une retraite tient surtout au prédicateur. Le Révérend Père Augustin PIC, dominicain du couvent de Rennes, est professeur à la Faculté de Théologie de l’Université catholique d’Angers. Sa prédication ne fut pas banale. Il nous a parlé de la « vie spirituelle du prêtre dans la crise présente de la vérité ». Face à cette crise « sans précédent », lui-même se situait d’emblée dans le sillage des Cardinaux Sarah, Caffara, Meisner, Burke et Brandmüller… Suivis non comme chefs d’un parti, mais comme exprimant avec clarté la vérité de la foi catholique reçue des Apôtres. Ce sujet convenait bien à un frère prêcheur dont l’Ordre a la devise « Veritas ». Le contenu – sans « langue de buis » ni polémique – ne nous a pas déçus ! Il rejoignait les interrogations d’un bon nombre parmi nous et il nous apportait des réponses fiables.

 

Placés sous le regard de Dieu et sous la conduite de ses bons serviteurs, il nous restait à bien jouer notre rôle de prêtres retraitants. Le prêtre est habitué à s’occuper des autres, comme le berger de son troupeau. Il est celui qui donne le sacré » (« sacer-dos »). Il donne aux hommes la Parole de Dieu et ses Saints Mystères. Durant ces jours bénis, il nous était demandé de prendre soin d’abord de nous-mêmes. Nous étions invités sous la haute direction de l’Esprit Saint, à resserrer les liens sacrés nous unissant à notre rédempteur depuis notre Baptême et notre Ordination. Pour réordonner toutes nos facultés vers Dieu seul, un triple soutien nous était proposé : un règlement pour régler notre volonté, la sainte Liturgie pour élever notre cœur et nos sentiments, la Doctrine sacrée pour purifier et éclairer notre intelligence.

 

Sancta Regula. Nous avons tous besoin de règle. Certes le prêtre dit la Loi mais il n’est pas la Loi. Il est sacrement vivant du Christ Tête de l’Eglise, mais il risque de n’en faire « qu’à sa tête ». Comme serviteur, il doit obéissance au Christ et à son Eglise. Durant la retraite, une double régulation visait à assouplir nos volontés propres. La Règle de Saint Benoît ponctuait nos journées par les offices et les repas monastiques. Les us et coutumes de la retraite prévoyaient différents exercices de règle : deux conférences par jour, récitation du chapelet en commun l’après-midi, points d’oraison le soir, etc. D’emblée, notre prieur et le prédicateur nous ont rappelé la précieuse règle du silence – dont un cardinal naguère a souligné « la force ». Sage rappel, car le prêtre, homme de la parole, risque de faire passer la sienne avant celle de Dieu. Enfin, un fidèle laïc était chargé de nous exercer, au son de la cloche, à la ponctualité, fine fleur de la charité.

 

Sacra Liturgia. La liturgie (Sainte Messe et Office divin) est la prière publique de l’Eglise. Le prêtre y est officiellement député. Il y trouve volontiers la nourriture de son oraison personnelle. En contraste avec le « stress » éprouvant des soucis pastoraux, l’harmonie de la liturgie bénédictine le pacifie. Il devine que la sérénité monastique n’est pas pure spontanéité même généreuse, mais le fruit d’une patiente et rigoureuse discipline des attitudes, des gestes, de la voix… Les fruits sont à la hauteur de l’effort : la psalmodie, les inclinations, les processions, etc. se déroulent comme dans un ballet bien réglé, mais sans raideur. Et quelle douceur dans l’interprétation du chant grégorien, soulignée en particulier par l’adoucissement des voix bien fondues à chaque fin de verset psalmique. On pressent une sorte de jubilation discrète : joie de réjouir Celui qui nous réjouit, que l’on ne voit pas mais qui se tient tout près et déjà frappe à la porte…

 

Sacra Doctrina. Pas de vie chrétienne ni sacerdotale réelle qui ne soit fondée sur l’amour de la Vérité : le Christ en personne, le même hier, aujourd’hui et à jamais. En notre temps, la « dictature du relativisme » vient souvent troubler la vie intellectuelle. « Avec saint Thomas pour maître » (Vatican II), notre prédicateur nous a entrainés avec vigueur sur le chemin escarpé de la Vérité, tracé par la sainte Ecriture et la sainte Tradition. Voici quelques réflexions notées au vol

 

  • La nuit du monde présent est à la fois « nox horribilis », du fait du péché qui abonde, et « nox beata » car Dieu y opère plus fortement. C’est l’heure de s’abandonner à la sagesse du gouvernement divin, la « céleste politique » (Bossuet).
  • Dieu permet la crise présente pour nous purifier, car nous portons en nous la rancœur, l’esprit de revanche, la satisfaction d’avoir raison… Même les larmes du purgatoire font du bien à l’Eglise.
  • La communication de la vérité qui sauve est une action divine, qui s’accomplit par voie hiérarchique, et trouve son terme dans le peuple christianisé. La réception de la doctrine par le peuple n’et pas seulement passive mais s’accompagne d’une activité seconde d’assimilation. L’Eglise est à la fois hiérarchique et peuple fidèle. Quand une partie défaille, une autre compense.
  • Quand le peuple chrétien résiste à la hiérarchie d’aujourd’hui là où elle défaille, c’est au nom de la hiérarchie d’hier qui a laissé en lui sa marque. Où l’on voit que la hiérarchie reste le principe actif et causal de tout dans l’Eglise, y compris des résistances justifiées. Selon la promesse du Christ, la hiérarchie – qui reste la m^me à travers la succession des personnes – ne défaillira jamais chez tous, en tout domaine et pour toujours.
  • La fermeté sur la doctrine doit s’allier à l’indulgence pour les personnes et au respect de l’autorité. Quand la foi catholique est en jeu, il est nécesssaire de résister aux supérieurs hiérarchiques pour satisfaire à la vérité, mais aussi d’accepter la sanction (même injuste) pour satisfaire à l’obéissance.
  • Le prêtre doit travailler au repos de toutes ses passions (apatheia) qui produit en lui la compassion envers l’humanité malade de son péché. L’intercession dans le Christ (« père, pardonne-leur ») par l’Esprit Saint est le sommet de notre ministère de prêtre. A l’exemple de la tendresse surnaturelle de saint Dominique qui prêchait le jour et pleurait la nuit : « Seigneur, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ! »

Comme chaque année, un moment fort de la retraite a été le pèlerinage au cimetière de l’abbaye, avec la prière sur la tombe du chanoine Etienne CATTA, fondateur de l’Opus Sacerdotale. Nous faisons nôtres ses « dernières volontés », écrites il y a plus de quarante ans : « Les épreuves de l’Eglise sont assurément les plus grandes que nous ayons eu à supporter au cours de notre vie. Nous faisons de cette souffrance une offrande ». « Je confie mon âme filialement, humblement, avec amour à ma Mère, la bienheureuse Vierge  Tombe du Chanoine CATTA                               Marie, Mère de Dieu. »

. Quels ont été les fruits spirituels de cette retraite ? Il les connaît Celui qui les a fait mûrir dans le secret des cœurs. Pour convertir des cœurs de prêtres, il ne faut pas moins que le tout-puissant et délicat doigté de la troisième Personne de la Sainte Trinité, dûment invoquée au début de chaque conférence.

Mais parce que la grâce de Dieu requiert la coopération de la volonté humaine, d’ordinaire, une seule retraite ne suffit pas à cette œuvre divino-humaine de la conversion. Rendez-vous donc, s’il plaît à Dieu, à la prochaine retraite en août 2018. L’esprit-Saint nous y fera entendre à nouveau sa voix persuasive par l’entremise d’un prédicateur… éminent.

 

Mgr Jean-François AMIOT

Prêtre du diocèse d’Angers