Changer la doctrine de l’Église en matière d’homosexualité ? Mgr Christophe Kruijen, Sedes Sapientiæ 165 (2/2023), p.45-65

Changer la doctrine de l’Église en matière d’homosexualité ? Quelques notes critiques

« Ce qui me frappe quand je considère le monde catholique, c’est qu’à l’intérieur du catholicisme une pensée de type non catholique semble parfois avoir le dessus, et il se peut que cette pensée non catholique à l’intérieur du catholicisme devienne demain la plus forte. Mais elle ne représentera jamais la pensée de l’Église » Paul VI [1]

Dans le cadre du « synode sur la synodalité », certains catholiques réclament un changement de l’enseignement de l’Église concernant l’homosexualité, ce qui appelle quelques réflexions critiques. Commençons par dire que, dans notre monde, la manière d’aborder le phénomène de l’homosexualité (et, plus largement, de la mouvance dite LGBTQI+) semble osciller entre des extrêmes. S’il existe toujours des pays où les personnes concernées risquent jusqu’à la peine capitale, dans les pays sécularisés, au contraire, le phénomène en question est non seulement largement toléré, mais bien plus, promu publiquement comme un signe de liberté et d’affirmation de soi (il suffit de penser au « mois des fiertés »), voire de progrès moral. De la sorte, de fortes pressions s’exercent aujourd’hui à l’encontre de quiconque ose remettre en question ce discours libertaire (que l’on pense simplement aux pâtissiers traînés devant les tribunaux pour avoir refusé, pour des motifs de conscience, de confectionner des gâteaux « arc-en-ciel » à l’occasion d’unions de personnes de même sexe).

Loin de ces extrêmes, la doctrine authentique de l’Église catholique en matière d’homosexualité promeut une approche équilibrée alliant le respect de la dignité des personnes et la sauvegarde de l’ordre moral objectif [2]. Il est d’autant plus déplorable qu’un nombre croissant de membres de la hiérarchie ecclésiastique en vienne à présent à critiquer publiquement cette doctrine, pourtant fondée sur la Révélation.

L’objectif de la présente contribution n’est pas de proposer une étude un tant soit peu complète de l’enseignement de l’Église catholique concernant la thématique sensible et complexe de l’homosexualité [3]. Nous nous limiterons ici pour l’essentiel à extraire quelques propositions, aujourd’hui promues par un nombre croissant de catholiques, en les faisant suivre d’un commentaire critique [4] (I). Puis nous proposerons d’élargir notre réflexion dans une ouverture (II) suivie d’une conclusion.

  1. Commentaires critiques de quelques propositions

Proposition 1 : « Tout le monde a sa place dans l’Église. »

Contre l’« inclusion » illimitée prônée de nos jours tel un mantra au sein de l’Église, plusieurs remarques s’imposent.

En premier lieu, on relèvera le caractère illusoire de ce slogan, d’autant plus que ses plus fervents promoteurs sont en général prompts à vilipender et à ostraciser ceux qui ne pensent pas comme eux. En réalité, dans tout groupe social, y compris dans l’Église, il existe au moins une catégorie qui n’est pas la bienvenue (que l’on pense, par exemple, aux fidèles attachés à des formes liturgiques traditionnelles [5]). De nos jours, ceux qui se bornent pourtant à maintenir certains éléments de la doctrine catholique concernant, notamment, l’homosexualité ou les conditions pour accéder aux sacrements, se voient ainsi régulièrement taxés de pharisiens rigides qui lancent des pierres contre les autres, si ce n’est d’appartenir à « des franges traditionalistes, voire intégristes ».

En second lieu, il apparaît évident que toute communauté humaine a besoin de critères d’appartenance et de limites (idéologiques ou doctrinales, comportementales, etc.), sans lesquelles elle perd son identité, se fragmente ou se dissout dans l’informe. C’est ainsi que, dès l’ancienne Alliance, il existait une espèce de sentence d’excommunication consistant à « retrancher de son peuple » le coupable d’infractions graves (voir par exemple Ex 31, 14 ; Lv 19, 8).

Le Nouveau Testament, s’il invite – à l’image du Maître – à l’amour du prochain, même gravement pécheur, ne rompt cependant pas radicalement avec cette logique d’une inclusion conditionnelle. Mt 18, 15-17 invite ainsi à considérer « comme le païen et le publicain » le frère qui refuse obstinément de se corriger. Il existe également toute une série de passages invitant à se tenir à l’écart de certaines personnes (notamment parmi les « frères », voir 1 Co 5, 11), par exemple « tout frère qui mène une vie désordonnée », les « débauchés » ou « l’homme hérétique », sans toutefois les considérer comme des ennemis [6]. De la sorte, il serait totalement erroné de confondre la morale évangélique avec un modèle libertaire, selon lequel il serait possible d’être un fidèle chrétien quelle que soit la manière de vivre et de croire.

De fait, Jésus a énoncé des conditions sans lesquelles on ne peut être son disciple, comme de prendre sa croix ou de renoncer à tous ses biens (cf. Mt 10, 38 ; Lc 14, 33). De son côté, Paul avait livré communautairement « à Satan » un croyant incestueux (1 Co 5, 4-5) afin qu’il se convertisse. On relèvera, pour terminer, que ces éléments exclusivistes se retrouvent également sur le plan eschatologique. Jésus affirme ainsi que, lors du jugement, il dira « en face » à « beaucoup » : « Écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7, 23). Enfin, le dernier livre du canon des Écritures ne s’achève pas sans cette sentence d’exclusion sans appel : « Dehors les chiens et les magiciens, les impudiques et les meurtriers, les idolâtres et quiconque aime ou pratique le mensonge ! » (Ap 22, 15 TOB)

Proposition 2 : « La doctrine de l’Église reste pour l’instant toujours une condamnation des actes homosexuels, mais pas de l’homosexualité, puisque ce n’est pas un choix. »

L’affirmation selon laquelle l’homosexualité n’est pas un choix mérite pour le moins des éclaircissements. Il est vrai que, selon le Catéchisme de l’Église catholique (ci-après CEC), les personnes concernées « ne choisissent pas leur condition homosexuelle » (CEC, no 2358). Est-il pour autant légitime d’essentialiser l’homosexualité, au point d’en faire un déterminisme ontologique ou physique / physiologique de la personne ? Comme on le sait, le prétendu « gène de l’homosexualité » est demeuré introuvable. Une personne n’est (ou ne naît) pas homosexuelle comme elle est (ou naît) homme ou femme, blanche ou noire.

On objectera que le déterminisme dont il s’agit ne relève pas du plan physique, mais psychique (au sens large), comme s’il s’agissait d’une sorte d’habitus entitatif [7] ne permettant pas à la personne d’être autrement [8]. Cette hypothèse est cependant infirmée par les faits, puisqu’il arrive que des personnes cessent d’être homosexuelles [9].

Quant aux actes homosexuels, on ne saurait en faire une suite nécessaire de la « condition homosexuelle », car cela contredirait l’anthropologie révélée qui insiste sur la liberté foncière de l’homme, laissé par Dieu « à son libre arbitre » (Si 15, 14). Ce dernier correspond au « pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre chacun dispose de soi » (CEC, no 1731). Même les multiples conditionnements relevés par les sciences humaines ne doivent ni ne peuvent obscurcir cette précieuse vérité, reçue en ces mots par une grande mystique : « L’âme est libre, libérée du péché dans le sang de mon Fils, et ne peut être dominée si elle ne veut y consentir avec la volonté qui est liée au libre arbitre [10]. » Si la tendance homosexuelle peut certainement être prégnante, elle ne saurait constituer un instinct irrépressible supprimant la liberté.

À une vision anthropologique déterministe et foncièrement fataliste, la Révélation biblique et l’enseignement ecclésial subséquent opposent une approche plus confiante dans les ressources de la nature humaine (surtout aidée par la grâce), et ce non en raison d’un optimisme de principe, mais d’une théologie de la création fondée sur la Révélation. À partir de ce fondement, l’Église refuse de faire des personnes homosexuelles une catégorie d’êtres humains à part, comme si elles seules étaient privées de la possibilité de disposer de soi (voir CEC, no 1731 cité ci-dessus). Au contraire, elle les croit dotées de liberté comme les personnes hétérosexuelles et, partant, capables de maîtriser leurs actes. Il est donc parfaitement cohérent qu’elle les appelle à pratiquer les vertus chrétiennes de maîtrise de soi et de chasteté, notamment, comme tous les autres chrétiens (cf. CEC, no 2359).

Il est navrant de devoir constater que l’enseignement de l’Église en matière d’homosexualité, qui est commandé par une haute idée de la dignité de la personne humaine, qu’elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle, est fréquemment interprété comme un message de mépris. C’est le contraire qui est vrai. Il est significatif à cet égard que le « monde », et parfois les milieux homosexuels eux-mêmes, usent assez souvent d’un langage vulgaire pour parler des intéressés, tandis que l’Église, plus respectueuse, parlera toujours d’une personne homosexuelle, etc.

Ce qui précède n’enlève rien au fait que, dans sa pratique pastorale, l’Église témoigne d’une grande compréhension pour les difficultés et les faiblesses pesant sur la nature humaine déchue. Elle sait, en particulier, que « l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées, voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux » (CEC, no 1735).

Proposition 3 : « Ce que fait la personne dans son intimité ne nous regarde pas et nous n’avons pas à juger ça ! »

On ne peut soustraire d’emblée les actes accomplis dans la sphère intime du domaine de la responsabilité et donc de la moralité des actes humains. Beaucoup d’actes peccamineux sont commis presque toujours dans un cadre intime, occulte, ce qui n’empêche pas qu’ils soient condamnés par la loi divine (dans les cas de l’adultère ou de l’autoérotisme, voir par exemple Si 23, 16-19) ou même par la loi humaine (dans le cas d’un viol, par exemple). D’autre part, la tradition biblique et chrétienne connaît des péchés commis seulement en pensée (voir par exemple Mt 5, 28 et le Confiteor de la messe romaine).

Proposition 4 : « Dieu aime chacun tel qu’il est, pas tel qu’il aurait aimé être ou tel que l’on aimerait qu’il soit ! »

À cette vision statique, on opposera le dynamisme évangélique qui croit que, aidé par la grâce, tout homme « peut mieux faire ». Certes, Dieu aime le pécheur et comprend sa faiblesse, mais il l’appelle simultanément à la conversion et à la sainteté [11], de sorte qu’« il serait absurde de concevoir un pardon de Dieu qui ne comporterait pas le retour du pécheur [12] » : « Repentez-vous donc et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés [13] » (Ac 3, 19). L’omission de cet appel à la conversion et à la repentance, qui est une partie essentielle du message biblique et évangélique [14], revient à changer la nature même de ce message. Si l’amour de Dieu consistait à laisser simplement chacun dans l’état où il se trouve, à l’« accompagner » (vers où ?) en renonçant à le tirer vers le haut, Jésus se serait contenté de dire à la femme adultère : « Je ne te condamne pas », sans ajouter aussitôt : « Va, désormais, ne pèche plus » (Jn 8, 11). Contre un christianisme saturé de sentimentalisme, édulcoré et affadi, il est indispensable de faire résonner à chaque génération l’injonction prophétique de Jésus dans toute sa véhémence : « Si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement » (Lc 13, 3.5).

Proposition 5 : « On appelle de tous nos vœux une évolution de l’Église. Avec le pape François, le discours de l’Église sur les personnes homosexuelles a évolué. Il a rappelé qu’en tant qu’enfants de Dieu, elles faisaient partie de l’Église. »

Personne n’a contesté l’appartenance des personnes homosexuelles (baptisées) à l’Église. Ensuite, tout dépend de ce que l’on entend par « évolution de l’Église ». S’il est question d’améliorer encore l’accueil empathique des personnes concernées, s’il s’agit de leur proposer une aide plus spécifique et compétente, mais sans rien taire des exigences morales de la vie chrétienne, il n’y a rien à objecter, encore qu’il faille se garder que la bienveillance envers les personnes ne soit pas interprétée comme une approbation de leur comportement. En revanche, si l’on entend par là un changement de la doctrine catholique, ce n’est pas recevable au vu des principes inhérents à cette dernière. (Tandis qu’un enseignement prudentiel peut changer, un changement de doctrine proprement dite, au sens de contenue dans la Révélation, dérivant d’elle ou connexe, serait contradictoire.)

Pour le comprendre, il peut être utile de rappeler ici quelques éléments de la théologie du magistère ; ce dernier, en effet, est tantôt minimisé à l’extrême (lorsqu’il dérange), tantôt maximisé comme s’il pouvait s’élever au-dessus de Dieu lui-même (lorsqu’on voudrait qu’il confirme notre position). Or l’Église, pas plus que le pape, ne peut changer substantiellement la doctrine en matière d’homosexualité car cette doctrine est fondée sur la Révélation.

Un développement doctrinal n’est possible que selon une logique organique passant de l’implicite à l’explicite, mais non par contradiction avec la doctrine enseignée précédemment. Ce qui est moralement mauvais ne saurait devenir bon et inversement (cf. Is 5, 20). Dans l’Église, comme l’a rappelé le dernier concile, la norme suprême en matière de foi et de mœurs n’est pas le magistère ecclésiastique (qui est une norme humaine soumise elle-même à la norme divine : norma normata). C’est la Parole de Dieu, c’est-à-dire l’Écriture sainte et la tradition de l’Église qui la communique et l’interprète [15] (la norme qui norme les autres normes : norma normans [16]). L’Église ne peut donc pas changer la loi divine, en particulier la loi morale, tant naturelle qu’évangélique. De fait, « ce n’est pas elle qui a créé cette loi, elle ne saurait donc en être l’arbitre ; elle en est seulement la dépositaire et l’interprète, sans pouvoir jamais déclarer licite une chose qui ne l’est pas à cause de son intime et immuable opposition au vrai bien de l’homme [17] ».

Aussi, à supposer même qu’un texte ou une déclaration émanant d’une autorité ecclésiale, fût-elle suprême, fussent en contradiction formelle avec la Parole de Dieu (et donc la Révélation), ils seraient à considérer comme privés de toute valeur. L’Écriture sainte en livre elle-même le motif théologique lorsqu’elle affirme que « nous n’avons aucun pouvoir contre la vérité ; nous n’en avons que pour la vérité » (2 Co 13, 8). Saint Paul s’opposa ainsi ouvertement à Céphas (Ga 2, 11), précisément parce que celui-ci « ne marchait pas droit selon la vérité de l’Évangile » (2, 14). Saint Pierre lui-même partageait d’ailleurs le principe selon lequel une injonction d’une autorité humaine, même légitime, n’oblige pas lorsqu’elle contredit la volonté de Dieu : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Ac 5, 29 ; cf. CEC, no 2242.) Mutatis mutandis, cet axiome s’applique également aux enseignements. Il convient ici de rappeler également que seules les Saintes Écritures jouissent du charisme de l’inspiration divine [18], ce qui n’est pas le cas des textes du magistère.

Pour les catholiques qui, de nos jours, seraient tentés de nouveau par l’absolutisme papal, il n’est peut-être pas inutile de fournir quelques éléments importants concernant l’étendue et la juste compréhension de l’autorité pontificale. Dans sa définition de l’infaillibilité pontificale (en réalité, il s’agit de l’infaillibilité dont est pourvue l’Église et dont le pape jouit personnellement dans certains de ses actes définitoires [19]), le concile Vatican I n’avait pas manqué de préciser les limites de cette prérogative en matière doctrinale :

Le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi [20].

Le rôle du magistère, notamment pontifical, n’est donc pas de produire la vérité, mais de garder, de transmettre et d’expliciter les vérités révélées aux générations successives. Autrement dit, les doctrines professées par l’Église ne sont pas vraies parce que le pape les énonce, mais c’est parce qu’elles sont vraies que le pape a pour mission de les garder saintement et de les exposer fidèlement. Son autorité ne saurait s’exercer de manière arbitraire, sachant qu’il est lié aux grandes décisions de l’Église à travers les siècles :

L’autorité d’enseigner, dans l’Église, comporte un engagement au service de l’obéissance à la foi. Le pape n’est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté font loi. […] Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l’Église, à l’obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d’adaptation et d’appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. […] Le pape est conscient d’être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l’Église. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas « au-dessus », mais il est au service de la Parole de Dieu, et c’est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu’elle ne soit pas rendue vaine par les changements continuels des modes [21].

Ajoutons à ce propos ce passage éclairant d’un document officiel spécifique sur la nature du ministère pétrinien :

Le pontife romain est soumis – comme tous les fidèles – à la Parole de Dieu, à la foi catholique, et il est le garant de l’obéissance de l’Église ; et, en ce sens, il est servus servorum. Il ne décide pas selon son bon plaisir, mais il exprime la volonté du Seigneur qui parle à l’homme dans l’Écriture vécue et interprétée par la Tradition. En d’autres termes, l’episkopè du primat a des limites qui viennent de la loi divine et de la constitution divine inviolable de l’Église, telle qu’elle est contenue dans la Révélation [22].

Proposition 6 : « Des franges traditionalistes voire intégristes de l’Église refusent toujours l’homosexualité et la transsexualité et sont dans la condamnation. Ils font une lecture littérale de la Bible et oublient le respect de la personne. On le regrette, car pour nous, c’est totalement contraire à l’évangile. »

Taxer de « traditionalistes » ou d’« intégristes » un groupe de personnes dont on ne partage pas les idées ne remplace évidemment pas une argumentation, mais constitue au mieux un argument ad hominem de peu de valeur.

Le jugement négatif porté par l’Église sur les actes homosexuels sur le plan moral n’a rien à voir avec une lecture littéraliste ou fondamentaliste de la Bible. Une telle lecture consiste à isoler des passages de l’Écriture pour en faire des assertions absolues, indépendamment du contexte et de l’interprétation de ces passages par l’Église et la Tradition. Un exemple type de ce procédé reviendrait à déduire d’Ap 7, 4 ; 14, 1-5 qu’à la fin des temps les sauvés seront exactement au nombre de cent quarante-quatre mille, ni plus ni moins. Or la tradition de l’Église permet de comprendre que ce nombre est, dans ce cas, à interpréter comme un symbole de la plénitude du peuple de Dieu [23]. Les exemples en ce sens pourraient être multipliés.

Dans le cas qui nous intéresse, il est un fait qu’à la suite du jugement moral négatif porté dans les textes bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament sur les actes homosexuels, déclarés contraires à la volonté de Dieu [24], l’ensemble de la tradition bimillénaire de l’Église a vu dans ces actes une atteinte grave au sixième commandement du décalogue. C’est donc à juste titre que le Catéchisme, dans lequel « l’Église dispose […] d’une nouvelle exposition de grande autorité de sa foi apostolique unique et pérenne [25] », enseigne que, « s’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que ‟les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnésˮ » (CEC, no 2357) [26].

À ce propos, il serait plus juste que les catholiques qui militent aujourd’hui pour un changement de la doctrine ecclésiale concernant l’homosexualité reconnaissent honnêtement ne plus accepter certains contenus bibliques (comme le font, par exemple, certains courants de la Communion anglicane), au lieu d’attribuer cette doctrine à une lecture littéraliste, et donc fausse, de la Bible.

Mais il faut encore répondre à une autre objection : maintenir la doctrine catholique en matière d’homosexualité reviendrait-il à oublier le respect de la personne et à se placer en contradiction complète avec l’évangile ? Cela serait effectivement le cas si ce dernier se bornait à prôner un « accompagnement » sans conditions et une tolérance indifférentiste de tous les choix de vie, bref, s’il se confondait avec le relativisme moral (ou, plus largement, le subjectivisme axiologique) contemporain. Or la réalité est tout autre. Certes, l’évangile prêché par Jésus et dans le reste du Nouveau Testament souligne l’extraordinaire miséricorde divine envers les pécheurs repentants, mais il exige simultanément une rupture radicale avec le péché : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne » (Mt 5, 29). Et de même saint Paul : « Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel de manière à vous plier à ses convoitises » (Rm 6, 12).

Le Christ Sauveur aurait-il manqué de respect envers les personnes lorsqu’il les exhortait à la conversion, en brandissant une menace eschatologique (voir aussi Lc 13, 3 et 13, 5 cité plus haut) ? En aurait-il manqué lorsqu’il éclairait la Samaritaine sur sa situation matrimoniale, à savoir que l’homme qu’elle avait alors n’était pas son mari (cf. Jn 4, 18) ? Ou n’est-ce pas précisément parce qu’il aimait les pécheurs d’un véritable amour de charité qu’il a tout fait pour les détacher du péché et les sauver « en les arrachant au feu » (Jude 23) ? Et Paul péchait-il contre l’esprit de l’Évangile lorsqu’il exigeait une peine d’exclusion (au moins temporaire) pour un croyant incestueux [27] ou lorsqu’il comptait la « menace » parmi les outils de l’évangélisateur et du pasteur (cf. 2 Tm 4, 2) ? Le bon pasteur n’est pas celui qui laisse le pécheur s’égarer loin du salut en le rassurant à bon compte – ce serait participer au péché du prochain (cf. 1 Tm 5, 22) –, mais celui qui l’exhorte à se convertir en l’avertissant du danger de se perdre [28]. Le Christ a demandé explicitement que l’on reprenne le frère qui « vient à pécher » (Mt 18, 15-17), et non pas que l’on fasse comme si de rien n’était, sous couvert d’une tolérance lâche et molle qui finit par saper la différence entre le bien et le mal. Il convient ici de graver en lettres d’or ces paroles vraies d’un pape du siècle dernier : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes [29]. »

À l’encontre d’un marcionisme toujours latent parmi bon nombre de chrétiens, il est à noter qu’en matière de rupture avec le péché, le Nouveau Testament est encore plus exigeant que l’Ancien. En effet, si celui-ci semblait se contenter d’une observance extérieure des préceptes, celui-là exhorte à lutter contre le péché « jusqu’au sang » (He 12, 4) et va jusqu’à situer la transgression de la loi divine dès l’éclosion du désir mauvais dans le cœur humain (pour l’adultère, voir Mt 5, 28). Enfin, l’Évangile proclame également une vérité largement occultée de nos jours dans la prédication, à savoir que le salut est conditionné par la fidélité aux commandements divins (cf. Mt 19, 16-17) et, positivement, par « la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (He 12, 14). Si l’amour de Dieu pour nous (génitif subjectif) est indéniablement un thème central des Écritures et du Nouveau Testament en particulier, il faut ajouter que ce fait exige un amour de Dieu d’autant plus intense pour lui (génitif objectif) : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16), mais « l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements » (5, 3) [30].

  1. En guise d’ouverture : le statut de la Parole de Dieu

Il est évident que le point peut-être le plus nodal, duquel dépendent l’acceptation ou le rejet de la doctrine catholique sur l’homosexualité, est le statut accordé aux Saintes Écritures et à la tradition apostolique [31], et donc à la Parole de Dieu. Croit-on encore ou ne croit-on plus que cette Parole, telle qu’elle a été consignée dans les Écritures sous l’inspiration du Saint-Esprit, « est vérité » (Jn 17, 17) et communique donc fidèlement à la fois l’image et la volonté de Dieu ? Les Écritures sont-elles toujours considérées comme normatives pour la doctrine chrétienne, y compris sur le plan de la praxis, ou non ? Ces questions fondamentales touchent à l’autocompréhension et à l’identité même de l’Église comme ἐκκλησία – assemblée convoquée par une Parole transcendante qui n’est pas produite par elle et qui la précède. Elles obligent par là à une option spirituelle décisive.

Pour mesurer tout l’enjeu de cette option, et sans revenir sur les enseignements magistériels au sujet de la Parole de Dieu comme règle suprême de la foi, il est utile de rappeler à cet endroit quelques grandes affirmations de l’Écriture sur elle-même ou, plus largement, sur la Parole de Dieu.

1 Th 2, 13 déclare tout d’abord que cette Parole est accueillie par les croyants, « non comme une parole d’hommes, mais comme ce qu’elle est réellement, la Parole de Dieu ». 2 P 1, 20-21 reprend en substance le même message en affirmant explicitement le principe de l’inspiration des Écritures par l’Esprit Saint, tout en précisant que leur interprétation n’est pas une affaire privée. En Lc 21, 33, Jésus affirme que ses paroles « ne passeront pas », tandis qu’en Jn 10, 35 il déclare un corollaire de l’origine divine de l’Écriture, à savoir que « nul ne peut [l’]abolir ». En Ga 1, 11-12, saint Paul précise que l’Évangile qu’il annonce n’est pas d’origine humaine, mais qu’il lui a été transmis « par une révélation de Jésus Christ ». En 1 Th 4, 8, à la suite d’un enseignement moral exigeant (cité en exergue de cette contribution), il n’hésite pas à tirer la conséquence logique du principe de l’origine divine de cet enseignement : « Dès lors, qui rejette cela, ce n’est pas un homme qu’il rejette, c’est Dieu [32]. »

Ce dernier passage est important, car il démontre que la doctrine transmise par les apôtres ne porte pas seulement sur des vérités à croire, mais également sur une praxis de vie (voir les parties parénétiques dans les évangiles, et dans les épîtres de Paul, notamment). Jésus n’avait d’ailleurs pas seulement envoyé ses apôtres pour évangéliser toutes les nations, mais aussi pour leur apprendre à observer tout ce qu’il leur avait prescrit (cf. Mt 28, 19-20).

Le magistère ecclésiastique a sanctionné cette autocompréhension des textes inspirés en affirmant que « les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées pour notre salut [33] ».

Contrairement aux connaissances humaines, notamment scientifiques, toujours révisables, puisqu’elles ne valent qu’« en l’état actuel de la science », la doctrine en matière de foi et de morale transmise par les Écritures procède d’un principe transcendant qui n’est pas sujet à l’erreur, à savoir le Créateur de la nature humaine dont la loi est « parfaite » (Ps 19, 8) et « vérité » (Ps 119, 142). C’est la raison pour laquelle l’Église enseigne que « la foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine » (CEC, no 157).

Du point de vue des principes de la doctrine catholique, il est donc faux de dire, comme le font certains aujourd’hui, que l’enseignement de l’Église en matière d’homosexualité pourrait et devrait être changé au vu des connaissances scientifiques actuelles [34] ou, plus banalement, des évolutions sociétales contemporaines. Cet enseignement, en effet, ne s’appuie pas d’abord sur des raisonnements humains, mais sur la Révélation divine. De plus, il ne faut pas perdre de vue que l’utilisation, par la théologie, d’éléments et d’instruments conceptuels provenant d’autres disciplines, comme l’anthropologie ou la sociologie, par exemple, « exige un discernement qui trouve son principe normatif ultime dans la doctrine révélée [35] ».

En réalité, l’abandon ou le rejet de certains contenus déterminés des Saintes Écritures, reconnus normatifs pour la foi et la morale par la tradition apostolique connexe, représentent un attentat inouï à la Parole divine et donc à Dieu lui-même (cf. 1 Th 4, 8). Une fois lancée, cette dynamique entraînera inévitablement des révisions ou des abandons doctrinaux toujours plus nombreux et étendus. Une telle dilapidation du dépôt de la foi déboucherait en définitive sur une destruction du christianisme lui-même, au profit d’une religiosité dont les normes ne dérivent plus, en dernière instance, de la Révélation, mais des opinions dominantes (mainstream) toujours changeantes en fonction des époques et des lieux. Cette approche relativiste reviendrait à postuler que c’est à chaque génération de réinventer la foi et les mœurs qui y correspondent, oubliant de ce fait que la foi a été « transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 3) [36].

Le Nouveau Testament n’avait pas manqué de mettre en garde contre une telle dérive fatale du christianisme vers ce qui serait déjà une autre religion et donc un naufrage du salut – car l’Évangile ne sauve que si nous le gardons tel qu’il nous a été transmis, au lieu de le frelater comme le font beaucoup (cf. 1 Co 15, 2 ; 2 Co 2, 17). C’est ainsi qu’il est écrit que « quiconque va plus avant [37] et ne demeure pas dans la doctrine du Christ ne possède pas Dieu » (2 Jn 9). Jésus avait, pour sa part, dénoncé l’annulation du commandement de Dieu au profit de traditions purement humaines (cf. Mc 7, 8-9).

Conclusion

Comme à toutes les époques, mais avec plus d’insistance encore de nos jours, Jésus demande à ceux qui prétendent le suivre : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » (Jn 6, 67.) L’Église « synodale », en proie à la confusion doctrinale et comme déboussolée, tentée de jeter par-dessus bord l’héritage doctrinal transmis par nos pères, et qui laisse se répandre de véritables hérésies sans réagir [38], se situe aujourd’hui à la croisée des chemins.

D’un côté se présente le chemin exigeant de la fidélité à la tradition apostolique et au dépôt de la foi, chemin accompagné par la croix et « l’opprobre du Christ » (He 11, 26), et même, bien souvent, par la haine de la part du monde (cf. Mt 10, 22 ; Jn 15, 18-20 ; 17, 14), mais chemin de vie car parcouru d’abord par « le chef de notre foi, […] Jésus, qui au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix, dont il méprisa l’infamie, et qui est assis désormais à la droite du trône de Dieu » (He 12, 2).

De l’autre se présente le chemin large et facile consistant essentiellement à se modeler sur le monde présent (versus Rm 12, 2 !), chemin séduisant puisqu’il supprime la nécessité de lutter contre le péché en déclarant que celui-ci n’en est plus un, réduisant du coup à néant la croix du Christ (cf. 1 Co 1, 17). Ce chemin-là signifie en réalité, non seulement un christianisme affadi, expurgé de la notion de salut (salut de quoi, d’ailleurs, puisque celui-ci est donné d’office à tous, quels que soient les choix de vie ?), de la nécessité de la pénitence et de la conversion pour être sauvé, des commandements, de la croix, du péché (excepté celui de refuser le refus du péché), de la crainte de Dieu, du jugement et, bien sûr, de la possibilité de la damnation éternelle qu’implique ce dernier. Bien plus, ce chemin revient à un abandon du christianisme lui-même, tel qu’il nous a été transmis depuis les origines, au profit d’une sorte de gnose du bien-être (wellness), permettant à chacun de vivre selon ses passions, d’après le principe : à partir du moment où cela plaît et où il y a consentement, tout est permis, même le libertinage et la débauche. Bref, un humanisme hédoniste pour lequel le plaisir sous toutes ses formes, notamment la jouissance sensuelle, est érigé en valeur suprême et pour ainsi dire eschatologique. L’abolition de toute crainte du châtiment divin, que présuppose un tel programme, ne supprime pas seulement un frein aux passions [39] ; elle manifeste aussi que la foi en Dieu, vivant et rémunérateur (cf. He 11, 6), ne joue plus de rôle significatif dans la vie d’un grand nombre [40].

Placés devant ces deux voies (cf. Dt 30, 15-20 ; Si 15, 16-17), de nombreux hiérarques et autres fidèles de l’Église semblent bien hésitants à redire avec saint Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Comme hier, Pierre a besoin de la prière et du sacrifice de l’Église (cf. Ac 12, 5).

L’oubli ou le refus croissant du péché (et de sa gravité) qui est pourtant la cause de la Passion du Christ [41] et peut entraîner la damnation, révèlent en réalité un problème plus fondamental, à savoir l’occultation contemporaine du jugement divin et l’universalisme sotériologique [42] qui l’accompagne. Lorsqu’un pasteur fonde sa pratique et son discours sur le présupposé implicite ou explicite que la mort est de toute manière suivie de la vie bienheureuse et que, par conséquent, son propre salut et celui des autres ne sont plus en jeu, la crainte d’entraîner ses auditeurs dans la perdition disparaît, comme disparaît également la motivation pour avertir les pécheurs et les exhorter à la conversion. Le caractère impératif de cet avertissement prophétique n’a en effet de sens que si le pasteur a conscience que Dieu lui demandera compte de leur « sang », c’est-à-dire de leur vie (cf. Ez 3, 18 ; 33, 6.8). Sans timor Domini, sans la crainte de favoriser la présomption des pécheurs en rassurant leur conscience à bon compte, voire en justifiant leur péché, toute la pratique pastorale de l’Église perd son ressort et son sens, à savoir le (travail au) salut des âmes. Plus largement, la religion chrétienne elle-même se trouve alors dégradée en une religion sans enjeu, donc inutile.

D’un point de vue plus pragmatique, on notera que, de tout temps, les dénominations religieuses les plus dynamiques sont celles qui maintiennent des exigences éthiques fortes [43]. A contrario, celles qui jettent par-dessus bord les préceptes ou les vérités difficiles (comme l’existence et l’éternité de l’enfer) s’effondrent inévitablement. Qu’on pense simplement au déclin de l’anglicanisme ou des communautés protestantes libérales, sans parler de l’hémorragie massive et croissante du nombre de catholiques et de protestants en Allemagne [44], et ce alors même que les Églises particulières optent dans ce pays pour un agenda « synodal » ultraprogressiste (acceptation de toutes les formes de sexualité, bénédiction des couples de même sexe, etc.). De tels faits devraient donner à réfléchir avant de s’aventurer à un démantèlement suicidaire de la doctrine authentique et éprouvée de l’Église.

Enfin, il est clair qu’un changement de doctrine sur l’homosexualité créerait inévitablement des ruptures au sein de l’Église, à l’image de ce qui s’est passé dans la Communion anglicane [45].

Mgr Christophe J. Kruijen

Présentation auteur :

Mgr Christophe J. Kruijen est prêtre du diocèse de Metz. Il a travaillé auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 2008 à 2016. Docteur en théologie dogmatique (Angelicum, Rome), sa thèse a obtenu le prix « Henri de Lubac » 2010. Elle a été publiée sous le titre Peut-on espérer un salut universel ? Étude critique d’une opinion théologique contemporaine concernant la damnation (Éditions Parole et Silence, 2017), ouvrage primé par l’Académie française en 2018.

[1] Confidence du pape Paul VI à Jean Guitton lors de leur dernier entretien, le 8 septembre 1977 (cité dans Jean Guitton, Paul VI secret, Paris, Desclée de Brouwer, 1979, p. 168).

[2] (NDLR) Il paraît opportun de reproduire les trois numéros consacrés à ce sujet par le Catéchisme de l’Église catholique :

  1. L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » (CDF, décl. Persona humana, 8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.
  2. Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition.
  3. Les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté. Par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure, quelquefois par le soutien d’une amitié désintéressée, par la prière et la grâce sacramentelle, elles peuvent et doivent se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection chrétienne.

[3] Nous nous en tiendrons ici à la question de l’homosexualité ou des actes homosexuels, en laissant délibérément de côté celle du transsexualisme qui soulève d’autres difficultés.

[4] Concrètement, ces propositions sont tirées d’un entretien d’Anne Rizoulières publié le 20 janvier 2023 sur https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/moselle/metz/entretien-eglise-homosexualite-et-transsexualite-un-diocese-ouvre-le-dialogue-2697702.html (page consultée le 25 janvier 2023).

[5] Benoît XVI, Lettre aux évêques de l’Église catholique au sujet de la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre, 10 mars 2009 : « Parfois on a l’impression que notre société a besoin d’un groupe au moins auquel ne réserver aucune tolérance ; contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. »

[6] Cf. 1 Co 5, 9-11 ; 15, 33 ; 2 Co 6, 14-17 ; 2 Th 3, 6.14-15 ; 2 Tm 3, 5 ; Tt 3, 10 ; 2 Jn 10-11 ; Jude 23. Pour l’Ancien Testament, voir Ps 1, 1.

[7] Qui qualifie l’être d’un sujet.

[8] Cette approche essentialiste et bien souvent idéologisée a des conséquences légales redoutables, puisque la législation de plusieurs États interdit aux praticiens d’accompagner les personnes souhaitant librement quitter les pratiques homosexuelles, tandis qu’il est permis aux groupes militants d’inciter les personnes hétérosexuelles (jeunes, notamment) à s’y adonner.

[9] Voir par exemple Formerly Gay Man Could Go to Jail After Sharing Testimony of Finding God, Embracing Bible (Matthew Grech) : https://youtu.be/4zRtjHOoPAY.

[10] Catherine de Sienne, Le Dialogue, 51 (traduit par Lucienne Portier, Paris, Cerf, 21999, p. 91).

[11] 1 Th 4, 7 : « Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté mais à la sanctification. »

[12] Stanislas Lyonnet, art. « Péché », Vocabulaire de théologie biblique [1962], sous la dir. de Xavier Léon-Dufour et al., Paris, Cerf, 71991, col. 941. Le fait que le pardon soit conditionné par la conversion allait de soi, tant dans le judaïsme que pour Jésus (cf. Rudolf Schnackenburg, Das Evangelium nach Markus, vol. I, Düsseldorf, Patmos Verlag, 1966, p. 93).

[13] Cf. Lc 24, 47 ; Ac 5, 31 ; 11, 18 ; 26, 18.

[14] Voir par exemple Is 1, 16-17 ; 55, 7 et les premiers mots programmatiques de Jésus en Mc 1, 15.

[15] Rappelons ici que la Parole de Dieu ne se limite pas aux Saintes Écritures. Sur les rapports entre l’Écriture, la Tradition et la Parole de Dieu, il convient de renvoyer à Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 9 [abrégé : Dei Verbum] : « La sainte Tradition et la Sainte Écriture sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant de la même source divine, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin. En effet, la Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit ; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’Esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité : il en résulte que l’Église ne tire pas de la seule Écriture sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et l’autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect. »

[16] Dei Verbum, 21 : « Toujours elle [l’Église] eut et elle a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte Tradition, puisque, inspirées par Dieu et consignées une fois pour toutes par écrit, elles communiquent immuablement la Parole de Dieu lui-même et font résonner dans les paroles des prophètes et des apôtres la voix de l’Esprit Saint. » Ibid., 10 : « Ce magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis. »

[17] Paul VI, Lettre encyclique Humanæ vitæ, 25 juillet 1968, no 18.

[18] Sur l’inspiration des Saintes Écritures, voir en particulier Dei Verbum, chap. 3.

[19] Cf. concile Vatican I, 4e session, 18 juillet 1870, Constitution dogmatique Pastor æternus, chap. 4 (DzH, no 3074).

[20] Concile Vatican I, Constitution dogmatique Pastor æternus, chap. 4 (DzH, no 3070).

[21] Benoît XVI, Homélie lors de la prise de possession de la Cathedra romana, 7 mai 2005.

[22] Congrégation pour la doctrine de la foi, Considérations sur la primauté du successeur de Pierre dans le mystère de l’Église, 31 octobre 1998, no 7.

[23] Voir les notes des grandes éditions de la Bible sur Ap 7, 4.

[24] Cf. Innocent Himbaza, Adrien Schenker et Jean-Baptiste Edart, Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible, « Lire la Bible, 147 », Paris, Cerf, 2007, pp. 126-127 et passim. Il est à noter que la Bible ignore l’homosexualité comme état psychologique ou « style de vie » au sens contemporain et ne considère que les actes homosexuels (cf. ibid., pp. 123, 127-128).

[25] Jean-Paul II, Lettre apostolique Lætamur magnopere, 15 août 1997 (AAS 89 [1997], p. 820 ; trad. fr. La Documentation catholique 94 [1997], p. 852 [abrégé : DC]) : « In promptu […] habet Ecclesia novam hanc magnæ auctoritatis expositionem unius suæ ac perennis fidei apostolicæ. »

[26] La citation interne est tirée de Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration Persona humana, 29 décembre 1975, no 8.

[27] Cf. 1 Co 5, 1-5. Sur les peines d’exclusion de la communauté dans le Nouveau Testament, voir Bible de Jérusalem, Édition major, Paris, Cerf, 181998, note h. sur 1 Co 5, 5 [abrégé : BJ].

[28] Cf. Ez 3, 16-21 ; 33, 1-9. Pour la dénonciation du mal, voir aussi Is 58, 1.

[29] Paul VI, Lettre encyclique Humanæ vitæ, no 29.

[30] En 2 Jn 6, on trouve l’affirmation générique : « L’amour consiste à vivre selon ses commandements », où l’amour semble porter sur l’amour des croyants entre eux (voir v. 5). Maxime le Confesseur, Centuries sur la charité, 1, 16 (« Sources chrétiennes, 9 », Paris, Cerf, 1943, p. 73 [abrégé : SC]) : « Celui […] qui n’aime pas son prochain n’observe pas le commandement, et qui n’observe pas le commandement ne saurait aimer le Maître. »

[31] Rappelons que la vérité salutaire et la règle morale qui ont leur source dans l’Évangile « sont contenues dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues par les apôtres de la bouche du Christ lui-même ou transmises comme de main en main par les apôtres sous la dictée de l’Esprit Saint, sont parvenues jusqu’à nous » (Concile de Trente, 4e session, 8 avril 1546, Décret sur la réception des livres saints et des traditions [DzH, no 1501]). En définitive, la communion avec Dieu et son Fils suppose la communion avec la Tradition ininterrompue remontant au témoignage direct des apôtres (cf. 1 Jn 1, 3).

[32] Paul distingue ce qu’il enseigne au nom du Seigneur et ce qui n’est que son avis personnel (voir notamment 1 Co 7, 10.12.25).

[33] Dei Verbum, 11.

[34] C’est ainsi que le cardinal Jean-Claude Hollerich a déclaré que la doctrine de l’Église en matière d’homosexualité est erronée et devrait être changée parce que son fondement sociologique et scientifique serait erroné (cf. « ‟Nicht Antworten von früher auf Fragen von morgen gebenˮ – Kardinal Hollerich über Woelki, Reformen und Homosexualität », Interview du cardinal Hollerich par Ludwig Ring-Eifel, publiée le 1er février 2022 sur le site https://www.kna.de/ [page consultée le 2 février 2022]).

[35] Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Donum veritatis, 24 mai 1990, no 10.

[36] BJ, note c. ad locum : « À la tradition de la foi des apôtres, v. 17, fondement de la vie chrétienne, v. 20, il n’y a rien à changer : cf. 1 Co 11, 2 ; 2 Th 2, 15 ; 1 Tm 6, 20. »

[37] BJ, note g. sur 2 Jn 9 : « Les hérétiques se croyaient ‟avancésˮ en prétendant dépasser les bornes de l’enseignement apostolique. »

[38] La négation de l’enfer ou du caractère propitiatoire de la messe, pour n’en citer que deux. Pour les États-Unis, voir par exemple Ross Douthat, Bad religion, How we became a nation of heretics, New York, Free Press, 2012.

[39] Maxime le Confesseur, Centuries sur la charité, I, 3 (SC 9, p. 70) : « Qui croit au Seigneur craint le châtiment ; qui craint le châtiment maîtrise ses passions. » S’il est vrai que la crainte filiale est, en soi, plus parfaite que la crainte servile, la crainte de l’enfer demeure cependant « bonne en elle-même et utile, comme un don surnaturel et un mouvement inspiré par Dieu préparant à l’amour de la justice » (Pie VI, Constitution Auctorem fidei, 28 août 1794, § 25 [DzH, no 2625]). Voir dans le même sens concile de Trente, 14e session, 25 novembre 1551, Doctrine sur le sacrement de la pénitence, chap. 4 (DzH, no 1678) ; can. 5 sur le sacrement de la pénitence (DzH, no 1705) ; Décret du Saint-Office condamnant les erreurs des jansénistes, 7 décembre 1690, § 14-15 (DzH, no 2314-2315) ; CEC, no 1453. Gardent aussi toute leur valeur en sagesse ces mots de Pie XII, Allocution aux curés et prédicateurs de carême de Rome, 23 mars 1949 (AAS 41 [1949], p. 185 ; trad. fr., DC 46 [1949], p. 453) : « Il est vrai que le désir du ciel est un motif en soi plus parfait que la crainte des peines éternelles ; mais il ne s’ensuit pas que ce soit pour tous les hommes aussi le motif le plus efficace pour les retenir éloignés du péché et pour les convertir à Dieu. »

[40] Benoît XVI, Lettre aux évêques de l’Église catholique au sujet de la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre, 10 mars 2009 : « En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes. »

[41] Cf. CEC, no 598. Sur la gravité du péché, nous nous permettons de renvoyer à Christophe J. Kruijen, « La gravité du péché mortel : entre relativisation et intelligence des motifs » (en cours de parution).

[42] Par « universalisme sotériologique », on entend ici, non ce qui a trait à la volonté salvifique universelle de Dieu, qui ne fait aucun doute, mais l’affirmation ou du moins la suggestion d’un salut effectif de tous les hommes.

[43] Voir à ce sujet les travaux de Rodney Stark sur les motifs de l’expansion du christianisme au cours des premiers siècles. Pour le dynamisme des groupes évangéliques, voir Patrice de Plunkett, Les évangéliques à la conquête du monde : enquête, Paris, Perrin, 2009.

[44] En Allemagne, le nombre de catholiques ayant déclaré officiellement leur « sortie de l’Église » (Kirchenaustritt) est passé de 359 338 en 2021 à 522 821 en 2022. Pour l’Église évangélique (Evangelische Kirche in Deutschland), ce nombre a été de 380 000 en 2022.

[45] Cf. http://www.belgicatho.be/archive/2023/02/21/les-anglicans-rejettent-justin-welby-a-la-tete-de-l-eglise-m-6429415.html.