Au service de la justice du Pape: le Tribunal Apostolique de la Rote Romaine – abbé Jacques-Yves Pertin

 Au service de la justice du Pape: le Tribunal Apostolique de la Rote Romaine

Les débuts du Tribunal de la Rote « se perdent dans les profondeurs du passé »[1]. On ne possède en effet aucun acte de fondation de ce tribunal car il n’y a aucun document à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que c’est le tribunal le plus ancien encore aujourd’hui en activité[2]. On fait coïncider ses débuts avec l’extension de la juridiction pontificale à la fin du XIIème siècle. Certains ont pu s’essayer à remonter plus haut, mais ce n’est que conjecture ou anachronisme[3]. D’autres pensent que la Chancellerie papale est plus ancienne et que la Rote n’en est qu’une émanation plus tardive. Mais la Rote, d’une certaine façon, est aussi vieille que l’exercice du pouvoir judiciaire du Pape.

 C’est vers le Concile de Latran II (1139), que les papes commencent à se réserver l’absolution de certains crimes les plus graves, ce qui constitue les prémices de notre tribunal. On voit Célestin III (1191-98) déléguer, par exemple, certains cas à des cardinaux présents à la Curie et c’est à cette date qu’on utilise pour la première fois le titre d’«auditeur » qui désigne encore aujourd’hui les juges de la Rote. Plus tard, Innocent III professionnalise cette activité : c’est en effet sous son pontificat que sont  de plus en plus portés de litiges devant sa juridiction. Les juges auditeurs deviennent, à partir de son pontificat, une institution permanente, étant qualifiés de « Capellani pape et apostolice sedis, Auditores causarum sacri palatii apostolici »[4] revêtus ainsi de l’ « officium Capellanorum Auditorum causarum sacri palatii apostolici »[5]. Le palatium ou sacrum palatium signifiait, en effet, dans le système judiciaire médiéval, le tribunal suprême présidé par le souverain ou son représentant direct (comes sacri palatii). Dans cette perspective, il est logique d’attribuer au « palatium apostolicum » la compétence de tribunal apostolique.

Un facteur important ayant présidé au développement de la Rote est la récupération du Corpus de Justinien qui a influencé grandement les procédures juridiques de cette époque et la compilation des documents pontificaux qu’effectuera Gratien dans son fameux Décret. Tout ce corpus législatif favorisait une pratique qui allait s’amplifiant et qui consistait en la consultation et en l’appel au Pape, ce qui, à son tour devait favoriser la rédaction de nouvelles Décrétales et de nouvelles compilations comme le Liber Extra. Toute cette activité législative représentait une énorme charge de travail pour la Curie et exigeait un personnel préparé et doué d’une grande valeur professionnelle. Du coup, ces juristes se retrouvaient parfois impliqués dans l’activité judiciaire elle-même. Certains pensent que c’est à ce moment-là que dans la Curie romaine l’activité législative et judiciaire se sont trouvées définitivement séparées.

Ce qui constitue, toutefois, un point de référence dans le développement de la Rote, c’est la promulgation des 45 articles de la « Ratio iuris » (1331) de Jean XXII qui nous décrit son fonctionnement et en particulier son fonctionnement collégial[6] : on y apprend par exemple que le Pape ne confie plus les causes à un juge unique (Boniface VIII, 1299) mais à plusieurs[7].

Le terme de « Rote » reste encore aujourd’hui un peu mystérieux. Sans entrer dans les subtilités historiques, on peut dire que la Rote, à cette époque, commença à désigner le collège des auditeurs[8] voire l’activité collégiale de ce même tribunal qui a donné naissance à un célèbre jeux de mots (à cause des Turni, c’est-à-dire de ces groupes de juges qui jugent à tour de rôle et du verbe latin roto, rotas, -are, -avi, -atum, tourner comme une roue) : « Causae in Rota rotant, vel rotantur »[9]. Les juges devenaient donc des personnages importants car on les voit se plaindre en 1462 du comportement des « procuratores » et en général des solliciteurs en tout genre, venus faire leur cour dans l’attente du jugement « in Rota »[10]. Au XVIème siècle, le mot « Rota » et « Sacrum palatium apostolicum » sont indistinctement employés, voire même associés[11]. La Rote devient célèbre dans le monde entier suite à des procès retentissants comme celui d’Henri VIII  ayant essayé en vain de faire annuler son mariage ce qui aboutira à la séparation de l’Eglise d’Angleterre d’avec l’Eglise catholique. Ce terme devient ensuite si universellement utilisé qu’il est même employé pour désigner certaines structures judiciaires séculières suprêmes et demeure encore aujourd’hui pour désigner le tribunal ecclésiastique de troisième instance en Espagne : la Rote espagnole.

La Rote entre en sommeil des conséquences de la déflagration révolutionnaire, au moment de la fin des Etats Pontificaux, le 20 septembre 1870[12] pour ne ressusciter véritablement, comme tribunal religieux, qu’avec St Pie X par la Constitution apostolique Sapienti Consilio de 1908[13]. Il est vrai qu’au temps de St Pie X, la situation était devenue intolérable : en 1907, à défaut de tribunal, il écrit que certaines Congrégations romaines faisaient office de Tribunal de première instance, leur compétence se recoupant au point qu’il était souvent dans l’intérêt de la personne concernée de s’adresser à celle-ci plutôt qu’à celle-là. Ce système écrivait-il « désordonné, varié et aussi arbitraire » provoquait des « critiques peu flatteuses pour le gouvernement du St Siège »[14]. Il fallait le réformer et pour cela, « on devra faire vivre la Rote en en réformant le vieux système de procédure […]. Les jugements devront se répartir en civils, criminels et matrimoniaux. La Rote sacrée aura une juridiction ordinaire sur toutes les causes en appel provenant des curies métropolitaines et diocésaines et sur les autres qui lui seront déférées par chaque congrégation dans les limites des compétences respectives. Les auditeurs tiendront leur séance deux fois par semaine et leurs sentences seront définitives »[15]. L’énergie de St Pie X y fut pour quelque chose car il demandait que la réforme se fasse subito (il souligne même le mot dans son texte). De fait, elle se fit en un an. Dans sa pensée, il s’agissait aussi de soulager le travail des Congrégations et de les ramener à leur mission administrative originelle. Le cardinal Lega, éminent canoniste, dont on peut lire encore les sentences aujourd’hui fut l’auteur des premiers règlements de la Rote.

Nature de ce tribunal [16]

 

Aujourd’hui, il s’agit d’un tribunal religieux ou interne à l’Eglise catholique, et cela le différencie du tribunal de l’Etat du Vatican chargé de juger des causes civiles. La Rote est un tribunal ordinaire collégial d’appel dont la fonction est de recevoir les appels déférés au Siège Apostolique à toutes les instances ainsi que les appels de ce même tribunal[17]. La Rote tient les mêmes fonctions pour les Eglises orientales à l’exclusion des causes iurium[18].

Ce tribunal est désigné dans le Code de droit canonique sous le nom de Rote Romaine[19], remplaçant l’appellation du code de 1917 qui la désignait comme « Sacra Rota »[20]. La Constitution Pastor Bonus la désigne plutôt sous le nom de tribunal apostolique[21], expression largement utilisée par la suite par les Pontifes romains[22], manifestant « l’exercice du pouvoir judiciaire suprême » [23] à l’image des autres tribunaux apostoliques[24].

Ce tribunal a un pouvoir vicaire : la Rote est ainsi un office judiciaire ordinaire vicaire[25]. C’est-à-dire qu’elle juge en tant qu’alter ego du Souverain Pontife. Le Doyen est nommé directement par le Pape.[26] Les Juges Auditeurs doivent pouvoir avoir toute la confiance du Souverain Pontife.

C’est un tribunal qui est toujours collégial à la différence des tribunaux inférieurs pour lesquels le juge peut être unique[27]. La Collégialité dans les décisions est un gage de sérieux et d’impartialité. Celle-ci s’exprime par exemple dans l’admission du libelle qui revient au collège[28], dans la déclaration d’incompétence que le Doyen doit faire ayant entendu deux des juges plus anciens, quand elle invoque une cause (le Doyen, là encore, doit être aidé de deux juges)[29], dans le choix des juges eux-mêmes qui doivent provenir du monde entier (ce qui n’existait pas dans les précédentes normes), bien qu’il n’y ait en réalité qu’une vingtaine de juges. Cette dernière norme vise enfin à posséder une juste appréhension des différentes et légitimes conceptions culturelles entourant le mariage[30]. Cela permet enfin de mettre en acte ce que Pastor Bonus décrit comme étant les finalités de la Rote elle-même : l’unité de la jurisprudence et l’aide aux tribunaux inférieurs[31]. Outre la langue latine, des employés latinistes doivent connaitre aussi deux langues parmi les plus répandues[32].

Principes et constitution du Tribunal[33]

 

Les normes actuelles de la Rote romaine substituent celles promulguées en 1934 par Pie XI. Ces dernières avaient déjà subi quelques changements dès l’année 1969 (dans la ligne de la réforme de la Curie Romaine élaborée par Regimini Ecclesiae Universae du Pape Paul VI) et en 1982 lors d’une ultérieure réforme curiale. Ces modifications n’allaient pas sans difficulté : il fallait, en effet, faire coïncider ces réformes avec les nouvelles orientations du Code de 1983. On jugea donc prudent d’attendre 1988 avec la Constitution Pastor Bonus complétée par le nouveau règlement de la Curie, pour changer définitivement ces normes promulguées le 18 avril 1994[34]. Comme cela est mentionné dans le préambule de ces Normes, celles-ci sont été le fruit du travail du Collège des Juges Auditeurs et plus tard d’une commission restreinte de trois auditeurs (Pompedda, Stankiewicz, Serrano Ruiz). Un premier texte fut d’abord élaboré puis retravaillé par le collège des Juges, différents canonistes et avocats de la Rote Romaine, pour donner naissance à un schéma de 120 articles (contre 185 dans les normes précédentes) voté par tout le collège de la Rote[35]. Un rescrit ex Audientia Sanctissimi du 23 février 1995 approuvait in forma specifica ces nouvelles normes. Plus tard, le Motu Proprio du 28 septembre 2011 de Benoît XVI élargissait les compétences de la Rote aux procédures de non-consommation du mariage et à la nullité de l’ordination sacerdotale.  Le 5 mars 2013, le Doyen actuel, Mons. Pinto rendait public un décret ex audientia Sanctissimi du 11 février 2013 concédé de justesse par Benoît XVI qui renonçait le jour même au pontificat, décret à renouveler tous les trois ans et qui supprimait, mesure la plus notable, la double conforme pour les nullités matrimoniales[36]. Plus tard, un autre rescrit ex Audientia Sct.mi du 7 décembre 2015, tenant compte du motu proprio Mitis Iudex du Pape François imposait la gratuité à ce tribunal[37].

Le règlement actuel de la Rote fait trois souhaits généraux à propos de l’exercice de la fonction judiciaire chez les juges : prudence, respect du droit des parties, célérité (les causes devant être définies le plus rapidement possible : aspiration générale de tous les tribunaux ecclésiastiques)[38]. Il est évident que la prudence étant la vertu de celui qui gouverne, doit se retrouver chez les Juges qui participent de si près à la juridiction apostolique.

Ceux-ci, du reste, exercent leur pouvoir judiciaire en Turni : c’est-à-dire en groupe de trois. Le premier groupe est constitué par le Doyen, primus inter pares et de deux autres juges par ordre d’ancienneté (1er et 2ème juge). Le deuxième turno est constitué par le 2ème, 3ème et 4ème auditeur et ainsi de suite. Cette disposition extrêmement précise des turni répond à un ordre rationnel de distribution du travail en même temps qu’elle évite toute partialité dans l’attribution des causes. Il existe pourtant une possibilité chez le doyen d’attribuer un turno « extra ordinem »[39]. Cette mesure peut se justifier par la présence d’une langue particulière.  Certaines causes iurium nécessitent que les auditeurs connaissent bien le droit civil, d’où la nomination d’un turno spécial. Il est évident que le Doyen peut aussi justifier sa décision d’un turno extra ordinem si les juges se trouvent dans des positions personnelles incompatibles avec la cause à juger[40]. Un autre mesure discrétionnaires permet au doyen de substituer l’auditeur empêché par qui il veut. Pour certaines causes particulièrement difficiles, le Doyen peut augmenter le nombre des juges à 5, toujours en nombre impair voire « videntibus omnibus », devant tous les juges, ce qui est relativement rare[41].

On a parlé, tout à l’heure, du respect des droit des parties. On en a une assez bonne illustration concernant les causes pénales. Le Promoteur de justice peut introduire une cause, mais pas sans le jugement du Doyen qui peut rejeter une accusation privée de fondement[42].

Une autre caractéristique du déroulement de la justice à la Rote est le secret d’office ou secret pontifical qui instaure un climat de gravité, voire de sacralité dans le déroulement de la procédure[43] : les prélats auditeurs doivent prêter solennellement serment devant tout le Collège[44]. Cette norme du secret est importante pour préserver les juges de toute pression extérieure et pour éviter tout scandale ou calomnie. Certains procès comme les nullités de mariage sont très intrusifs à l’égard de la vie privée des personnes et la divulgation publique de certaines informations pourraient nuire gravement à la réputation d’autrui[45]. Il faut remarquer que la norme (existante dans l’ancien règlement) qui sanctionnait la responsabilité des juges pour faute grave n’existe plus. La prescription actuelle ne mentionne une réparation qu’en cas de violation du secret ou de dole[46].

En ce qui concerne les autres opérateurs de justice, on doit aussi parler des avocats et des procurateurs. Les avocats doivent être docteur en droit canonique et avoir le diplôme d’avocat à la Rote qui se prépare après le doctorat pendant trois ans au Studio Rotale[47]. L’instruction Provida Mater de 1936 recommandait aux Ordinaires que tous les opérateurs de justice qui œuvrent dans les diocèses soient en possession de ce titre[48]. Actuellement, les avocats diocésains italiens doivent tous en être munis. Ils sont alors habilités à défendre les causes devant tous les tribunaux de première instance sans avoir besoin d’aucune autorisation diocésaine (sauf celui de Rome, où il faut une autorisation spéciale) et devant celui de la Rote[49]. Ces avocats, du coup, remplissent les conditions requises de certains autres tribunaux ecclésiastiques comme celui de la Congrégation pour la doctrine de la Foi qui a compétence sur les delicta graviora. Les avocats sont inscrits à l’Ordre. La figure de l’avocat est fondamentale sur le plan de la dynamique du procès car, comme le faisait remarquer le Cardinal Pompedda, c’est une figure active, au sens scénique du terme puisqu’il fait entendre sa propre voix sans laquelle le procès revêtirait une certaine forme d’autisme[50].

Quant aux procurateurs, ils sont habilités à cette fonction à la suite de deux années de Studio Rotal et doivent, contrairement aux avocats, avoir leur résidence à Rome pour pouvoir faire le lien entre la Rote et l’avocat qu’ils assistent. Le rôle du Procurateur avait fini par prendre trop d’importance sur celui de l’avocat. Les normes ont restauré le rôle de l’avocat et illustre un autre principe, celui de l’accessibilité des parties à la justice : l’avocat défend, le procurateur représente ce qui peut aider à contribuer à la diminution du coût de la procédure[51].

Les sanctions prévues contre les avocats en cas de mauvaise conduite peuvent aller jusqu’à la radiation de l’ordre : par exemple, pour la négligence d’un avocat qui laisserait attendre son client pendant plus d’un an et demi. La Signature a sanctionné une conduite matrimoniale irrégulière chez un avocat qui était incompatible avec sa fonction[52].

L’école de formation des avocats et procurateurs de la Rote que nous avons déjà mentionnée est le Studio Rotale[53]. Cette institution, quoique très ancienne, a été restituée dès que la Rote a recommencé à fonctionner (en 1908). Dans une ordinatio du 21 décembre 1911, on parlait déjà d’un stage qui n’avait pas encore la connotation académique d’aujourd’hui et que devaient accomplir ceux qui se préparaient au diplôme d’avocat et de procurateur afin de les former à la pratique du for ecclésiastique. Notons qu’à cette époque il s’agissait de l’acquisition plus d’une praxis, que de celle d’une connaissance universitaire. Ce mode de fonctionnement serait aujourd’hui à suggérer pour nos bénévoles qui doivent s’initier à de telles charges dans les tribunaux inférieurs (pour l’instant il s’agit trop souvent d’une formation basée sur des cours théoriques) : on pourrait s’orienter plutôt vers une connaissance plus pratique du for à travers, par exemple, celle des schémas probatoires de la jurisprudence romaine encore trop souvent ignorés ou fort mal connus.

Dans cet ancien Studio, les clercs devaient se préparer auprès d’Auditeurs de leur choix, désignés comme des sortes de tuteurs, tandis que les laïcs le faisaient auprès des avocats. Ces stages auprès des différents opérateurs de justice étaient coordonnés par le Studio, lui-même supervisé par le Promoteur de justice, qui reste toujours la personne la plus experte en droit. Ainsi, les élèves participaient d’une certaine manière au service du Tribunal car on leur donnait comme exercices des causes encore pendantes sur lesquelles le Ponent, en toute connaissance de cause, pouvait donner de précieux conseils, ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Ils pouvaient assister à des discussions orales et pouvaient servir d’auxiliaires. Cette caractéristique pratique du Studio a pour ainsi dire aujourd’hui disparu, même si ce qui est étudié, la jurisprudence rotale, a en soi un caractère pratique. Le Studio est devenu un office bien distinct de l’activité du Tribunal. Le fait que les professeurs soient majoritairement des Juges auditeurs rend, il est vrai, l’enseignement plus proche de la réalité professionnelle à laquelle il prépare.

On doit le visage actuel du Studio à un décret du Pape Pie XII du 8 juin 1945[54]. Ce décret précise en particulier les matières qui devront désormais y être dispensées[55]. L’admission d’entrée se fait actuellement par un examen préalable de droit canonique et de langue latine dans la vaste et impressionnante aula des juges. L’examen final qui s’apparente à un concours, en latin, dure 12 heures et consiste en la rédaction d’une sentence à partir des actes d’une cause. Les élèves du Studio sont aujourd’hui en majorité des avocats civils laïcs et en particulier des femmes. Cette désaffection des clercs est préoccupante :  elle est révélatrice du rapport qu’ils entretiennent avec l’idée de justice dans l’Eglise et demanderait une réflexion approfondie sur ce thème[56].

 

L’ordo judiciaire de la Rote Romaine[57]

 

Cet ordo est codifié dans les normes rotales à partir de l’art. 50. Quoiqu’un peu formelles dans leur expression, ces normes ont pourtant comme « finalité objective la certitude d’une vérité objective qui touche le bien public », d’où leur précision technique[58].

Ces normes abordent ce qui est propre à la procédure rotale au regard des normes communes.

Comme on l’a dit précédemment, la Rote est un tribunal d’appel donc elle juge toujours en seconde instance. Le can. 1405, § 3 CIC énumère en effet les compétences de la Rote en première instance : les Evêques dans les causes contentieuses, l’Abbé primat ou le Modérateur suprême d’un institut religieux de droit pontifical, les diocèses et les autres personnes ecclésiastiques, physiques ou juridiques qui n’ont pas de supérieur en-dessous du Pontife Romain. Ce tribunal juge aussi en première instance toutes les causes que le Pape lui confie personnellement[59]. Enfin, il est de la compétence ordinaire du Doyen d’invoquer une cause en première instance même si elle est de la compétence d’un tribunal inférieur (il doit consulter pour cela les deux Auditeurs plus anciens)[60]. Cela peut arriver, par exemple, après une nullité de sentence : pour éviter que le tribunal qui a mal jugé ne commette de nouveau la même erreur (puisque la cause repart en première instance). Les normes, de façon plus générale, mentionnent que ce cas peut se présenter « à chaque fois que des circonstances de lieu ou de personne le nécessistent en raison du bien des âmes »[61].

Ce qui constitue le début d’une procédure à la Rote, de l’ordo iudiciarius, c’est l’enregistrement du libelle, de l’appel ou de la querelle de nullité etc… soit encore du rescrit d’une commission pontificale, qui attribue la cause à la Rote selon un numéro de protocole consigné dans le Répertoire[62]. Cet enregistrement au protocole est nécessaire pour constituer le turno qui va juger la cause et émettre un décret acceptant ou rejetant le libelle[63]. Après cela, un notaire devra recueillir tous les actes de la cause pour les transmettre au Ponent. Il faut bien remarquer, et c’est la question que les avocats de 1ère instance se posent souvent, que ce n’est pas à eux de transmettre les actes de la cause à la Rote mais c’est à la Rote, suite à l’instance reçue, de se charger de récupérer directement les actes auprès des Tribunaux inférieurs. L’avocat de la partie peut envoyer des documents, c’est même fortement conseillé, mais ceux-ci doivent concerner uniquement l’instance qu’il présente à la Rote : si c’est une nouvelle proposition de la cause, par exemple, on doit apporter tous les arguments nécessaires qui n’ont jamais été évoqués jusque-là. Il est évident que l’avocat rotal qui prend la main après la première instance, a besoin du maximum de documentation et c’est évidemment à l’avocat de première instance de la lui transmettre (actes, sentences etc…).

Une autre particularité de la Rote est l’obligation pour la partie demanderesse de se pourvoir d’un avocat, obligation qui n’existe pas dans les tribunaux inférieurs devant lesquels il est toujours possible d’agir directement, même s’il est toujours conseillé d’avoir un avocat[64]. Si la partie demanderesse ne s’en occupe pas, la Rote désigne alors obligatoirement un avocat d’office qui la représente et la défend. Cela veut dire que la partie demanderesse ne dispose pas du « ius postulandi », c’est-à-dire de la faculté d’intervenir librement elle-même devant le Tribunal[65]. Quant à la partie défenderesse, elle conserve son « ius postulandi », c’est-à-dire qu’elle peut se défendre sans l’assistance d’un procurateur ou d’un avocat rotal ou d’un Patron sauf dans le procès pénal où cela demeure obligatoire[66]. Reste le pouvoir discrétionnaire du Ponent de l’enjoindre « si le cas le nécessite » de se pourvoir d’un avocat[67]. En effet, le conseil d’un technicien aide la partie à mieux comprendre les enjeux de la procédure, à la défendre bien évidemment mais aussi à gérer ce qui peut s’avérer ensuite comme une découverte douloureuse au moment de la sentence. Le caractère facultatif du patronnage de la partie défenderesse peut se comprendre dans les normes rotales du fait du nombre très important de procès en nullité matrimoniale. En effet, le rôle de l’avocat de la partie défenderesse est suppléé, d’une certaine manière, par celui de Défenseur du Lien dont les arguments et les preuves se recoupent de fait. Il est clair que, dans ces cas facultatifs, le Ponent ne pourrait imposer l’assistance d’un avocat à une partie défenderesse qui y serait opposée. Toutefois, cette raison qui est valable pour la Rote serait aujourd’hui à nuancer dans les instances inférieures, car malheureusement, et bien souvent, soit le rôle du défenseur du lien est considérablement diminué (pas de défense effective du lien) soit ce dernier prend abusivement parti pour la nullité.

Une autre particularité de la Rote qui la distingue des tribunaux inférieurs est l’admission du libelle : cette admission se fait par un acte collégial du Tribunal, non par le Ponent lui-même[68]. C’est donc aussi au Turno d’admettre éventuellement avec l’appel un nouveau chef de nullité qui sera jugé tamquam in prima instantia[69]. Cet acte d’acceptation ne se cumule pas avec la citation contrairement à la loi générale[70]. Avant cette admission, le Ponent doit avoir l’avis du Défenseur du Lien ou du Promoteur de Justice. Ce filtre qui suit chronologiquement la rédaction d’une fiche de « ponence » permet de faire ressortir les irrégularités procédurales qui pourraient aboutir à une procédure en nullité de sentence.

Pour les nullités matrimoniales, dans la ligne du nouveau canon 1680, § 1, en cas d’appel, les normes envisagent trois hypothèses : 1) confirmation de la sentence de première instance par décret (espèce d’instance brève)[71]. Est-ce le cas où l’appel serait considéré selon le nouveau canon 1680, § 2 comme « purement dilatoire » ?[72] ; 2) le renvoi à l’examen ordinaire en deuxième instance avec l’indication détaillée des motifs qui vont contre la nullité ; 3) le renvoi à l’examen ordinaire mais avec complément d’instruction.

Dans la concordance du doute, les Normes rotales actuelles demandent que soient indiqués précisément les chefs de nullité[73], ce, pour éviter toute ambiguité entre les différentes instances contrairement, au rescrit du 7 décembre 2015 qui impose comme loi générale : « 1. Le doute sera fixé selon l’ancienne formule : An constet de matrimonii nullitate, in casu, sans plus indiquer le chef de nullité ». Cette mesure peut très bien se comprendre aussi puisque la double conforme a été supprimée. En revanche, cette norme rotale permet de corriger les chefs de nullité qui auraient pu être mal exprimés dans les instances inférieures. On peut toujours faire appel au Turno contre le décret de concordance du doute dans les 10 jours après sa notification.

Il est intéressant de noter, combien répugne à l’Eglise la justice seule puique ces normes prescrivent aussi qu’à chaque instance, et en dehors des causes matrimoniales, le Ponent évaluera « l’opportunité de chercher la conciliation entre les parties »[74]. Si un compromis est trouvé le Tribunal mettra fin immédiatement à l’instance. De même, l’Instr. Dignitas Connubii prescrivait un peu la même chose à propos du procès en nullité de mariage lorsqu’elle conseillait lorsqu’il « il y a un espoir de solution favorable, le juge mettra en œuvre les moyens pastoraux pour amener si c’est possible, les époux à convalider leur mariage et à reprendre la vie conjugale »[75], ce qui a disparu dans les nouveaux canons[76].

Si les parties  ne posent aucun acte de procédure pendant un an, à la différence du droit commun prévoyant six mois, l’instance est dite périmée et ce, à  tous les degrés de juridiction[77]. Cette différence peut également se comprendre par l’éloignement des parties du Tribunal romain. On peut faire appel dans les dix jours contre ce décret du Ponent[78]. Le Ponent peut aussi déclarer la partie comme ayant renoncé à son droit lorsque celle-ci ne pose pas un acte processuel auquel elle était tenue[79]. Le Ponent devra évaluer les justifications données par la partie négligente tout en ayant entendu l’autre partie[80]. Si la cause cause est périmée, elle ne pourra être réouverte qu’à la Rote[81]. En cas de péremption, vu la gratuité actuelle de la Rote, et contrairement à ce que prévoyaient les normes en la matière, aucun remboursement au Tribunal ne devrait être dû par les parties. Toutefois, les frais d’avocat de l’autre partie seront pris en charge par la partie qui est cause de la renonciation[82].

L’instruction peut être faite par le Ponent ou par un autre juge que le Ponent désigne à l’intérieur du Turno. Toutefois, dans les causes pénales, les normes préfèrent que le Doyen désigne un instructeur hors Turno[83]. Appliquant en cela le droit commun, l’instructeur peut soit instruire lui-même la cause soit se servir d’un tribunal inférieur, voire encore d’une personne ad hoc qu’il délègue[84]. Le fait s’explique encore du fait de l’éloignement du tribunal romain des lieux où sont recueillis les preuves. Tous les actes du Ponent ou du Juge instructeur sont susceptibles d’appel devant le Turno (sauf les actes destinés à l’agencement interne de la cause)[85]. Cette norme est plus large que celle prévue dans le droit général puisque le Code ne semble admettre d’appel au cours de l’instruction que dans le cas d’un rejet de preuve[86]. Les normes réaffirment le droit des Patrons de connaitre le nom des témoins, des experts ainsi que l’objet de l’interrogatoire avant que les témoins ou les experts soient interrogés. Ils ont également le droit de participer à tous les interrogatoires[87]. En cas de refus de ce droit par le Tribunal, le décret doit alors être motivé[88].

En ce qui concerne d’éventuelles causes incidentes, les Normes demandent au Ponent de décider sous quelle forme elles doivent être traitées mais non expeditissime (très rapidement) à la différence des normes communes[89].

La conclusion de la cause n’intervient pas à la Rote par un décret du Ponent mais ipso iure selon le style rotal c’est-à-dire quand tous ceux qui doivent présenter les défenses sont respectivement intervenus[90]. Cette différence est notable car, dans le droit commun, c’est précisément à partir du conclusum que commence le temps consacré aux défenses écrites[91]. Cela n’empêche pas, à ce stade, la possibilité d’une réouverture de l’instruction selon le can. 1600 (cf. art. 239 DC). Les défenses des avocats doivent se faire en latin sauf dans les causes iurium qui peuvent être rédigées en langue vulgaire sur décision du Ponent[92]. Ces dernières causes ont parfois des termes civils parfois compliqués et difficiles à traduire. L’emploi du latin à la Rote permet un esprit de concision, de synthèse et de précision qui favorise l’énonciation unifiée du droit, c’est-à-dire tendant à l’unité de la jurisprudence. Enfin, c’est surtout la possibilité de faire référence à une législation exprimée en latin.

            Les délibérations se font en secret sans aucune personne étrangère au Truno[93] au siège du Tribunal ou, si le cas le nécessite, dans un autre lieu afin de préserver la liberté des juges[94]. Chaque votum des juges, après le vote, est consigné ensuite dans une enveloppe fermée, conservée 10 ans puis brûlée[95]. Si les juges ne réussissent pas à se mettre d’accord pour la sentence, on diffère alors la cause à une prochaine discussion mais pas au-delà d’une semaine[96]. Si en seconde discussion, on ne se met toujours pas d’accord, alors on doit déférer la question au Doyen qui augmentera alors le nombre de juges du Turno[97]. C’est ensuite le Ponent qui rédigera dans les deux mois[98] la sentence motivée et en langue latine[99], tandis que le Notaire préposé au Protocole pourra déjà avertir les parties de la décision ce qui n’a aucune valeur exécutive, à moins qu’on décide de ne communiquer la décision qu’à la publication de la sentence[100]. La sentence est considérée comme publiée lorsqu’elle est transmise au Défenseur du lien ou au Promoteur de justice ainsi qu’aux Procurateurs des parties. Aux parties la sentence est notifiée par l’intermédiaire de l’Officialité de première instance[101].

            Le chapitre VII des Normes est remis en partie en cause puisque les décisions de la Rote en matière de nullité matrimoniale ne peuvent plus être appelées depuis 2013 et ce, logiquement à toutes les instances[102]. Si par exemple un nouveau chef de nullité tamquam in prima instantia a été ajouté à l’appel, la décision de première instance ne pourra plus être appelée et sera considérée comme chose jugée au niveau formel ou définie (can. 1643 CIC). L’appel pour les autres causes doit se faire dans les 20 jours à partir de la notification contre 15 à partir de la connaissance de la publication de la sentence pour le droit commun[103].

 Depuis 1909, le nombre des causes matrimoniales pendantes à la Rote est en constante augmentation : 19 causes par an en 1909, 261 par exemple en 1956, 1118 en 2008[104], mais 689 fin 2015[105] avec 1092 causes examinées, les 2/3 des causes étant européennes. Le dernier fléchissement de 2015 est dû à un effort de rapidité. Pour l’année judiciaire 2015[106], ont été émises 258 sentences définitives (202 pro nullitate et 56 pro vinculo), 51 décrets de confirmation de sentence affirmative selon l’ancien can. 1682, § 2, 9 sentences iurium et pénales, 101 décrets concernant des causes incidentes. En 2015, il y avait 12 causes françaises à la Rote, ce qui est bien peu par rapport au 136 causes italiennes, la justice ecclésiastique française privilégiant les appels aux tribunaux diocésains dont les compétences sont quelques fois prorogées jusqu’à la troisième instance par la Signature Apostolique.

            En ce qui concerne l’aspect financier, la procédure à la Rote est désormais complètement gratuite contre plusieurs milliers d’euros précédemment. Les tribunaux inférieurs ne peuvent se permettre de telles largesses[107]. La conférence épiscopale italienne a établi par exemple pour les avocats privés de première instance un honoraire minimum et maximum[108]. En France, où il n’y a pratiquement que des avocats d’office bénévoles et quasiment aucun avocat à la Rote, ces chiffres peuvent sembler démesurés même si la faculté en France de choisir un avocat privé demeure toujours possible puisque les avocats à la Rote ne sont soumis à aucune juridiction diocésaine. Quant à la rétribution juste des avocats à la Rote qui ont fait de longues études et exercent un travail de longue haleine, elle devrait aussi pouvoir se comprendre[109]. Pour lever toute ambiguïté, récemment, le Doyen de la Rote a demandé qu’ «1. au début du procès on fasse connaitre au préalable aux parties la norme introduite par le Pape François concernant la gratuité de la procédure et du droit qui en découle de bénéficier de l’aide judiciaire » (cela s’exprime maintenant dans la procuration de l’avocat). Enfin « 2. Les parties peuvent nommer un avocat privé qui devra être rémunéré selon le barème établi par le Collège rotal en son temps en la session du 14 octobre 2011, restant sauf le devoir de régler dans certains cas les frais causés par la procédure » (coût des expertises par exemple)[110].

Les autres fonctions de la Rote

 

La Rote n’a pas comme unique fonction d’être un tribunal. L’article 126 de Pastor Bonus, énumère, pour la première fois dans un texte législatif, ses autres missions.[111]

En premier lieu, elle pourvoit dans l’Eglise catholique à l’unité de la jurisprudence.

Le rôle du Juge est en effet « de dire ce qui est juste »[112] . Autrefois, dans le droit antique, celui qui disait le droit était aussi creator iuris. En droit canonique, la loi, comme le fait remarquer Coccopalmerio en citant le can. 16, § 3, n’est pas seulement interprétée par la loi elle-même, mais « par voie de sentence judiciaire » (per modum sententiae iudicialis), même si ce canon reconnait que ladite interprétation « ne lie les personnes et ne concerne que les questions pour lesquelles cette interprétation est donnée »[113]. La sentence, en effet, « représente pour les parties une interprétation authentique de la loi »[114], ou une interprétation jurisprudentielle ou encore officielle, même si ces termes ne sont pas strictement équivalents[115].

Objectivement, la jurisprudence est ainsi constituée par un ensemble de décisions uniformes tandis que, formellement, celle-ci indique l’autorité qui provient de l’uniformité des décisions (auctoritas rerum similiter iudicaturum, dicton tiré du droit romain)[116]. Ainsi, la jurisprudence canonique, même si elle est source de droit supplétif, ne peut jamais avoir force de loi (à la différence du droit romain), à moins qu’elle soit devenue une coutume (ce qui est rare) et avec le consentement du législateur. On remarquera que Pastor Bonus n’a pas confié la réalisation de l’unité de la jurisprudence à un organe législatif tel qu’est le Conseil pour l’Interprétation des Textes Législatifs mais à la Rote qui est un organe au pouvoir judiciaire. Cela montre l’importance de la réalité pratique par l’Eglise (pars in iure et pars in facto ne faisant qu’un tout). Toutefois, il est indubitable que la jurisprudence rotale, même si elle n’a pas force de loi, a une influence dynamique sur la création de nouvelles lois car elle offre matière à une réflexion juridique approfondie sur un bon nombre de sujets de doctrine. Dans l’édition du code de 1989 qui donne les sources, les notes font, en effet, références à des sentences rotales pour les canons 1095, 1099 et 1101[117].

Pie XII s’exprimait déjà dans le sens du can. 1095 dans son allocution du 3 octobre 1941 évoquant l’« incapacité psychique fondée sur quelque défaut pathologique ». Il invitait à prendre en considération le progrès de la vraie science[118]. Les sentences rotales ont par exemple permis une réflexion juridique innovante et approfondie sur des thèmes aussi variés que le metus avec la distinction entre le metus communis et le metus reverentialis, reconnaissant aussi la capacité invalidante du metus indirect, de l’incapacité psychique, de l’erreur sur la  qualité, de l’erreur pervicax concernant le bonum sacramenti, de la fidélité conjugale à distinguer de la propriété essentielle de l’unité et aussi d’une certaine manière de l’exclusion du bonum coniugum[119]. Par ailleurs, certaines idées qu’on pourrait qualifier d’expérimentales, suivies par quelques sentences, ont été aussi corrigées par la jurisprudence : par exemple, la sentence coram Canals du 21 avril 1970 sur l’erreur (très élargie) sur la personne, sur l’incapacité relative, sur la rétroactivité du can. 1098 sur le dole.

Il faut enfin noter, à ce propos, qu’il n’existe pas, à proprement parler, de jurisprudence des tribunaux inférieurs car la seule jurisprudence à laquelle ceux-ci doivent se référer est celle de la Rote. La force des décisions de la Rote ne s’impose pas par la force de la loi mais par la persuasion, par l’autorité de ses décisions ainsi que par la qualification de ses membres sans oublier sa position « vicaire » que nous avons évoquée plus haut. L’autorité de la jurisprudence n’écrase pourtant pas la position du juge qui doit toujours dans « l’autonomie de son jugement »[120] décider « ex sua conscientia »[121]. C’est-à-dire que le juge a l’obligation de s’y référer pour former sa conscience, qui elle-même est tenue d’adhérer à la vérité, obligation elle-même de droit divin. Or cette obligation de droit divin en appelle une autre également d’origine divine qui est de recourir aux instruments adéquats pour suivre le chemin de la vérité et de la justice. La jurisprudence romaine devient alors pour le juge qui sait en profiter une aide pratique, harmonisée[122] et autorisée afin d’accomplir sa mission, deuxième fonction attribuée à la Rote par Pastor Bonus, celle d’aide aux tribunaux inférieurs. Par la connaissance de la jurisprudence, le juge accède plus rapidement à une sagesse qui l’aide grandement à appréhender le réel comme par le biais les schémas probatoires déjà évoqués[123]. C’est justement pour éviter de perdre cette unité que les Consulteurs du Code de 1983 avaient refusé l’instauration de tribunaux ecclésiastiques de troisième instance, afin que les causes les plus difficiles puissent bénéficier du contact avec Rome[124] : c’est d’ailleurs par ce contact que la Rote réalise le plus efficacement et le plus essentiellement aussi l’unité de la jurisprudence[125].

Ces dernières décennies, et ce n’est un secret pour personne, on a pu voir « les tribunaux suivre des voies divergentes sur des points importants et souvent fondamentaux du droit matrimonial »[126]. Il y a en toile de fond des divergences doctrinales capables de renverser les points les plus fondamentaux de l’institut matrimonial. Ces divergences sont apparues sur des chefs de nullité très complexes qui exigent une profonde maitrise du droit naturel dans la fidélité au magistère de l’Eglise : c’est le cas du très controversé can. 1095, et des éléments essentiels du mariage ; de l’erreur de droit et de fait ; du rapport entre connaissance et volonté ; entre connaissance et ignorance, volonté et erreur…Il s’agit de cas dans lesquels le législateur n’a fait que traduire le droit naturel en formules qui, même si elles sont étudiées et approfondies, demeurent toujours imparfaites, nécessitant beaucoup de sagesse dans l’application, étant donnée la difficulté d’arriver à la vérité dans ces cas. Si, malheureusement, le juge ecclésiastique manque d’une nécessaire préparation ou s’il se laisse prendre par les émotions ou pressions de la mentalité ambiante et d’une fausse conception de l’esprit « pastoral », il risque d’abandonner la recherche de la vérité comme principe suprême pour suivre d’autres objectifs inavoués[127]. C’est dans ce domaine qu’il reste sans doute beaucoup à faire, la Rote ne maitrisant concrètement que très difficilement sa mission de faire l’unité[128]. En effet, parmi toutes les difficultés relatives à cette mise en œuvre on trouve un certain nombre de contradictions relevés par les auteurs modernes: si on dit que la Rote est un tribunal apostolique par exemple, on peut en dire tout autant des tribunaux diocésains dont les évêques sont les chefs et sont aussi successeurs des apôtres, si on exalte le rôle de la Rote, on risque de diminuer le principe de subsidiarité contraire à toute centralisation selon la doctrine conciliaire, si l’on favorise l’uniformité doctrinale, le risque est de diminuer l’autonomie du juge et n’en faire qu’une machine à exécuter la loi etc.

 Il serait à souhaiter, du reste, à la lumière de l’art. 35 § 3 de Dignitas Connubii que dans toutes les officialités françaises, on puisse trouver, au lieu de recueils de citations en français, les volumes latins des Decisiones publiées par la Rote qui donnent le texte des sentences dans leur intégralité, autre facteur d’unité[129]. Cela supposerait évidemment la connaissance de la langue latine au moins chez quelques-uns des membres des Officialités.

Je me permets de clore ces considérations par une petite histoire : récemment, par le biais d’un confrère, j’ai été contacté par un jeune étudiant, passionné par les institutions de l’Eglise et qui, dans le cadre de ses études en droit comparé, aurait désiré faire un stage à la Rote. Il avait saisi d’instinct qu’il existe de vrais droits dans l’Eglise et qui doivent être protégés et défendus par l’Eglise elle-même et donc par le Souverain Pontife à qui le pouvoir de confirmer ses frères dans la Foi a été donné par Jésus-Christ. Cela fait de la Rote et des autres tribunaux de l’Eglise en général des institutions qui ont toute leur place dans la sphère judiciaire universelle car comme le rappelle le can. 1401 : « de droit propre et exclusif l’Eglise connait de causes qui regardent des choses spirituelles et celles qui leur sont connexes », ce qu’aucun tribunaux civils n’accepteraient de prendre en considération ni du reste ne serait compétent techniquement pour le faire. La Rote a, de ce fait, encore de belles années devant elle. Il est vrai que la dimension juridique de l’Eglise vient au second plan après sa dimension proprement surnaturelle en tant que vie de la grâce et implique une résolution pacifique des problèmes, mais elle a aussi une dimension humaine faite d’individus différents qui ont parfois l’exigence que leurs droits soient reconnus et fassent l’objet d’une décision par voie d’autorité dans l’intérêt et le bien même de l’Eglise. Le procès ecclésiastique devient alors fort nécessaire quand aucun accord entre les parties n’est possible. L’existence des procès et des tribunaux n’est donc pas un moindre mal à tolérer dans l’Eglise mais s’insère dans sa mission surnaturelle qui considère tous les aspects d’une Eglise aussi terrestre que céleste. C’est pourquoi la Rote n’est pas un tribunal comme les autres mais possède un véritable caractère de pastoralité au sens propre, au service de la justice du Pape, en rapport à la suprema lex que nous savons être, dans l’Eglise, le salut des âmes.

Abbé Jacques-Yves Pertin

avocat auprès de la Rote Romaine

[1] K. Salonen, Papal Justice in the Late Middle Ages. The Sacra Romana Rota, London and New-York, 2016, p. 18.

[2] S. Killermann, Die Rota Romana. Wesen und Wirken des päpstlichen Gerichtshofes im Wandel der Zeit. Adnotationes in ius canonicum 46 (2009), Frankfurt am Mein, p. 13: «Die Rota gilt in und außerhalb der Kirche als ältestes bestehendes Tribunal der abendländischen Welt»;

[3] Ibid., p. 15.

[4] E. Cerchiari, Cappellani Papae et apostolicae Sedis Auditores causarum sacri palatii apostolici seu Sacra Romana Rota ab origine ad diem usque 20 septembris 1870. Relatio historico-iuridica, vol. I, 1921, Romae, p. 3.

[5] Ibid. p. 34.

[6] Le même jour que cette promulgation Jean XXII promulgue également une constitution chargée de régler le fonctionnement de la Chancellerie, signe que Tribunal et Chancellerie devait un lien institutionnel bien réel.

[7] Ibid. p. 69-78.

[8] Ibid. p. 318.

[9] Ibid. p. 222.

[10] Ibid. p.164.

[11] Ibid. p. 306.

[12] « Toutefois, le tribunal continuait d’exister, serait-ce sur les registres, et, pour lui assurer une certaine activité au moins dans les causes spirituelles, Léon XIII le 20 novembre 1878 prescrivait que recours soit fait avec émission d’un vote délibératif  collégialement rendu sur la valeur juridique des procès de béatification et de canonisation, et le 19 décembre 1895 ses pouvoirs étaient augmentés en la matière. Mais c’étaient là des attributions bien différentes de celles grâce auxquelles le tribunal avait eu jadis une si grande notoriété. Le chiffre de ses membres n’atteignait plus en 1907 que sept » R. Naz, Dictionnaire de droit canonique, Paris, 1965 col.747.

[13] Voir: G. Romanato, La Rota Romana restituta nella riforma di S. Pio X in Quaderni dello Sudio Rotale 2009 (XIX), p. 15 et suiv.

[14] Ibid., p. 21.

[15] Ibid. «Quum sacrae Romanae Rotae tribunal, anteactis temporibus omni laude cumulatum, hoc aevo variis de causis iudicare ferme destiterit, factum est ut sacrae Congregationes forensibus contentionibus nimium gravarentur. Huic incommodo ut occurratur, iis inhaerentes, quae a Decessoribus Nostris Xysto V, Innocentio XII et Pio VI sancita fuerunt, non solum iubemus « per sacras Congregationes non amplius recipi nec agnosci « causas contentiosas, tam civiles quam criminales, ordinem iudiciarium « cum processu et probationibus requirentes » (Litt. Secretariae Status, XVII Aprilis MDCCXXVIII); sed praeterea decernimus, ut causae onmes contentiosae non maiores, quae in Romana Curia aguntur, in posterum devolvantur ad sacrae Romanae Rotae tribunal, quod hisce litteris rursus exercitium revocamus iuxta Legem propriam, quam in appendice praesentis Constitutionis ponimus, salvo tamen iure sacrarum Congregationum, prout superius praescriptum est» (St. Pie X, Const. apost. Sapienti Consilio (AAS1 [1909], p.15, n.II, 2°).

[16] Voir le commentaire de Serrano-Ruiz, Attuazione dei principia ispiratori del codice di diritto canonico nelle nuove norme rotali, Quaderni dello Sudio Rotale (VIII), p. 13 et suiv. Et celui de D. Teti, Norme procedurali canoniche commentate, Tribunale della Rota Romana, Norme, p. 139 et suiv.

[17] « Hoc Tribunal iudicat […] 2° in tertia vel ulteriore instantia, causas ab eodem Tribunali Apostolico et ab aliis quibusvis tribunalibus iam cognitas, nisi in rem iudicatam transierint » (Jean-Paul II, Const. apost. Pastor Bonus [PB], 29 juin 1988, AAS 80 [1988], p. 893, art. 128, n.2).

[18] H. Alwann, L’evoluzione storico-giuridica della competenza della Rota romana circa le cause delle Chiese orientali in Quaderni dello Studio Rotale, 2010 (XX), p.153 et suiv.

[19] Can. 1444, § 1, n. 2: «ab ipsa Rota Romana […] iam cognitas».

[20] Can. 1599, § 1, n. 2: «ab ipsa Sacra Rota […] iam cognitas».

[21] art. 128, n.2: «ab eodem Tribunali Apostolico […] iam cognitas». Voir à ce sujet: A. Stankiewicz, Il Tribunale apostolico della Rota romana in Quaderni dello Studio Rotale, 2008 (XVIII), p.103 et suiv.

[22] Voir les Allocutions du 12 février 1968, AAS 60 (1968), p.202 ; 17 février 1979, ibid. 71 (1979), p.246 et suiv. ; 26 janvier 1989, ibid. 81 (1989), p.922 ; 18 janvier 1990, ibid. 82 (1990), p.872 ; 23 janvier 1992, ibid. 85 (1992), p.140 et 142 ; 29 janvier 1993, ibid. 85 (1993), p.1256 ; 28 janvier 2006, ibid. 98 (2006), p.135. ; 27 janvier 2007,  ibid. 99 (2007), p.91…

[23] F. Wernz – P. Vidal – F. Cappello, Ius canonicum, vol. VI: De processibus, Romae, 1946, p. 116.

[24] Voir l’appellation donnée par le CIC au Livre VII, Titre II, Chapitre III.

[25] Can. 1443.

[26] Interrompant une tradition pluriséculaire qui voulait que le plus ancien du Tribunal devienne le successeur du doyen partant.

[27] La pratique de la collégialité est documentée dès la Ratio Iuris (1331) de Jean XXII. Un auditeur est désigné pour préparer le summarium (le Ponent). Il devait tenir compte de la majorité de ses pairs dans la décision. Cette disposition était importante car elle diminuait la possibilté de soudoyer les juges et ainsi d’acheter la justice. Mais à cette époque il est remarqué que cela n’a pas été toujours suffisant pour écarter la corruption. Certains auditeurs conservaient le pouvoir de décider sans consulter leurs collègues si le cas était évident. Si, en revanche, le cas était douteux ou qu’il n’était pas certain de la juste décision, il devait alors consulter ses pairs avant toute décision. L’auditeur le plus ancien était choisi comme doyen, tandis que le plus jeune était désigné comme trésorier ; cf.  K. Salonen, Papal Justice, op.cit. p. 34-35.

[28] Art.51, Normes du tribunal de la Rote Romaine (NRRT) du 18 avril 1994.

[29] Art.52, NRRT.

[30] Art.127 de Pastor Bonus : « e variis terrarum orbis partibus »; Art.1, NRRT.

[31] Art. 126, § 1 de Pastor Bonus.

[32] Art. 11, NRRT.

[33] Voir le commentaire de Serrano-Ruiz, op.cit.

[34] Rescrit d’audience d’approbation in forma specifica du 23 février 1995, AAS 87 (1995), p.366.

[35] Pompedda, Nuove norme: Tradizione e rinnovamento, Quaderni dello Sudio Rotale (VIII), p. 7 et suiv.; NRRT, Proemium. Il est à noter que la diminution des normes suit la même ligne adoptée pour le nouveau CIC lui-même.

[36] 1. Les sentences rotales qui déclarent la nullité du mariage seront exécutives sans qu’il y ait nécessité d’une deuxième décision conforme.

  1. Devant la Rote Romaine, il n’est pas possible de proposer un recours pour la Nouvelle Proposition de la Cause si une des parties a contracté un nouveau mariage canonique.
  2. Il n’y pas d’appel possible contre les décisions rotales en matière de nullité de sentence ou de décret.
  3. En matière processuelle, le Doyen de la Rote Romaine a le pouvoir de dispenser pour cause grave.
  4. Les Avocats à la Rote sont avertis de la grave obligation de faire preuve de diligence dans les causes qui leur sont confiées, qu’ils soient privés ou commis d’office.

[37] Voici les points clefs des modifications introduites par ce décret. Ils introduisaient à Mitis Iudex. 1. Le doute sera fixé selon l’ancienne formule : An constet de matrimonii nullitate, in casu.

  1. Les décisions de la Rote en matière de nullité, sentences comme décrets, sont sans appel.
  2. Si une des parties a contracté un nouveau mariage, à moins qu’il s’agisse d’une injustice manifeste de la décision, le recours à la Rote pour Nova causae propositio n’est pas recevable.
  3. Le Doyen de la Rote dispose du pouvoir de dispense pour grave défaut des critères du procès devant ce tribunal.
  4. A la demande des Patriarches des Eglises orientales, la compétence sur les causes iurium liée aux causes matrimoniales soumises en appel à la Rote sont délégués aux tribunaux territoriaux.
  5. La Rote Romaine juge les causes selon la gratuité évangélique, fournissant une défense ex officio, étant pour les fidèles aisés l’obligation morale de verser des honoraires en faveur de plus pauvres.

[38] Cf. can. 1451.

[39] Art. 18, NRRT.

[40] Can. 1447-48 ; ART. 66, §2, et 67 § 1 DC.

[41] Art. 18, § 3 NRRT.

[42] Art. 25, § 2 NRRT.

[43] Art. 41 NRRT.; can. 1455, § 2.

[44] Art. 42 NRRT.

[45] Cf. can. 220 qui à la fois protège le droit à la bonne réputation mais qui envisage qu’elle soit légitimement atteinte à l’occasion d’un procès par exemple.

[46] Art. 43, § 1 NRRT.

[47] Précédemment, une simple licence en droit canonique suffisait, le doctorat ne rajoutant rien à la connaissance générale du droit canonique. Toutefois, si l’on se reporte à la Constitution de Martin V, In apostolicae dignitatis (1418), on voit que la compétence requise pour les avocats était la même que celle des Auditeurs (docteur en droit, expérience d’enseignement à l’université pendant au moins trois ans etc…) ; cf.  K. Salonen, Papal Justice, op.cit. p. 40.

[48] Art. 48, § 2.

[49] Art. 105, § 2 de l’Instr. Dignitas Connubii.

[50] M. Pompedda, Dopo novanta anni dalla sua ricostruzione, la Rota Romana sulla soglia del terzo millennio: retrospettive e problematiche attuali in Quaderni dello Studio Rotale, 2001 (XI), p.53.

[51] Dans les anciennes normes, un procurateur pouvait devenir avocat après un certain temps de pratique à la Rote. Cela a été supprimé avec l’intention de ne pas écarter de l’office d’avocat ceux qui s’y étaient dûment préparés par de longues études.

[52] Sentence du 12 juillet 1993. Il n’y pas de code de déontologie au for ecclésiastique car la bonne conduite d’un avocat repose sur les lois morales générales. Toutefois, on peut se référer en matière d’acte répréhensible aux can. 1488, 1489, 1604, § 1 ; Art. 36, § 3, 73, § 3, 104, 110, 113 § 4, 235 § 2, 241, 307 §3 de Dignitas Connubii.

[53] J.M. Serrano Ruiz, Riflessioni sullo Studio Rotale nel Decreto Nihil antiquius ed altri documenti ad esso collegati, in Quaderni dello Sudio Rotale (XII), 2002, p. 34-53.

[54] AAS 1945 (37), p.193-196.

[55] La déontologie judiciaire ou théologie morale appliquée aux offices du Tribunal ; la Jurisprudence au sujet des différentes parties du droit canonique ; la pratique des offices du tribunal. A cela, il faut ajouter aujourd’hui des cours de droit administratif (pour les causes iurium), de droit oriental, de psychologie et d’anthropologie.

[56] Sur le sens de la justice de l’Eglise voir C.J. Errázuriz M., Il diritto e la giustizia nella Chiesa, Milano, 2000; Corso fondamentale sul diritto nella Chiesa, Milano, 2017.

[57] Voir le commentaire de A. Stankiewicz, Rilievi procedurali nel nuovo “Ordo iudiciarius” della Rota Roma in Quaderni dello Sudio Rotale (VIII), p. 31 et suiv. Et celui de D. Teti, Norme procedurali canoniche commentate, op. cit. p.180 et suiv.

[58] cf. Jean-Paul II, Allocution à la Rote Romaine, 22 janvier 1996, AAS 88 (1996), p. 775, n. 4.

[59] Can. 1444, § 2 ; can. 1061 CCEO.

[60] Art. 52 NRRT.

[61] Art. 52 NRRT.

[62] Art. 34, 1)  NRRT.

[63] Art. 50 NRRT.

[64] Art. 53, § 2 NRRT.

[65] Ce qui déroge au can. 1481 § 1.

[66] Can. 1481, § 2 CIC ; can. 1139, § 2 CCEO ; Art. 53, § 2 NRRT.

[67] Art. 53, § 2 NRRT.

[68] Can. 1501, § 1 ; art. 46, § 2 DC.

[69] Art. 55 NRRT; can. 1680, § 4 CIC.

[70] Can. 1507,  § 1. CIC; 1190, § 1 CCEO ; Art. 56 NRRT.

[71] can. 1680, § 2 CIC; Art. 58, § 2 NRRT.

[72] Voir à ce sujet : M. Del Pozzo,  L’appello manifestamente dilatorio in Prassi e sfide dopo l’entrata in vigore del M.P. Mitis Iudex Dominus Iesus e del Rescriptum ex audientia del 7 dicembre 2015, Città del Vaticano, 2018, p. 83-117.

[73] Art. 62, § 1.

[74] Art. 61.

[75] Art. 65, § 1 ; can. 1676 CIC ; can. 1362 CCEO.

[76] Le can. 1675 prescrit maintenant que le juge ne doit en effet accepter une cause de nullité de mariage que s’il a la certitude de l’ irrévocable échec du mariage.

[77] Can. 1520 CIC ; can. 1201 CCEO ; art. 65.

[78] Art. 66. Mais on ne peut pas faire d’appel ultérieur vu que la question doit être jugée expeditissime (cf. can. 1629, 5°).

[79] Art. 67, § 1.

[80] Art. 67, § 2. Le désaccord entre les parties à ce sujet pourra donner lieu à un question incidente à résoudre expeditissime.

[81] Art. 70.

[82] Art. 69, § 2.

[83] Art. 71.

[84] Art. 72 ; can. 1418 CIC ; can. 1071 CCEO.

[85] Art. 73.

[86] Can. 1527, § 2.

[87] Art. 74; can. 1559; cf. can. 1598 CIC.

[88] Can. 1617.

[89] Art. 75; can. 1589, § 1 CIC; can. 1269 CCEO.

[90] Art. 80.

[91] Can. 1601 CIC ; can. 1284 CCEO.

[92] Art. 82.

[93] Art. 90.

[94] Art. 88, § 1.

[95] Art. 89, § 3.

[96] Art. 93 ; can. 1609, § 5 CIC ; art. 248, § 5 DC.

[97] Art. 94.

[98] Art. 96, § 1.

[99] Art. 96, § 2.

[100] Art. 95, § 2.

[101] Art. 101.

[102] Décret ex audientia Sanct. mi  du 11 février 2013 de Benoît XVI et rescriptum ex Audientia Sanct.mi du 7 décembre 2015 du Pape François.

[103] Can. 1630 CIC ; can. 1311 CCEO.

[104] Voir R. Naz, Dictionnaire, op.cit., col.747 ; Quaderni dello Sudio Rotale 2009 (XIX), p. 25 ;

[105] L’attività della Santa Sede, Città del Vaticano, 2015, p. 797.

[106] Ce sont les dernier chiffres connus.

[107] Les frais de procédure sont très différents selon les pays et les diocèses : 300 euros au Luxembourg contre 525 dans tous les diocèses d’Italie. En France, 823 à Marseille, 1000 à Dijon, 1800 à Paris.

[108] Entre 1575 et 2992 euros. Décret de la CEI 247/2010 du 30.03.2010.

[109] Le coût des études à la Rote s’élève environ à 4500 euros, l’examen rotal de 12 heures revient à lui seul 1200 euros tandis que le diplôme papier revient à 450 euros. Chaque année, pour pouvoir continuer à être inscrits à l’Ordre des Avocats, ceux-ci doivent verser une taxe de 150 euros au Tribunal. Toutes ces dépenses doivent finir par se répercuter chez les justiciables. Sur la juste rétribution des avocats voir M. J. Arroba Conde, La giusta mercede dell’avvocato ecclesiastico in Prassi e sfide dopo l’entrata in vigore del M.P. Mitis Iudex Dominus Iesus, op.cit., p. 129 et suiv.

[110] Décret de Mgr Pio-Vito Pinto, Doyen de la Rote Romaine, Not. 74, 25 février 2017.

[111] § 1. Hoc Tribunal instantiae superioris partes apud Apostolicam Sedem pro more in gradu appellationis agit ad iura in Ecclesia tutanda, unitati iurisprudentiae consulit et, per proprias sententias, tribunalibus inferioribus auxilio est.

[112] S. Thomas, Summ. Theol., II-II/60,1. «Le juge est chargé de dire le juste, sa mission est de déterminer les droits et les obligations des parties en cause et de préciser avec équité ce qui revient à chacun» (C. Lefebvre, Les pouvoirs du juge en droit canonique, Paris, 1938, p.69.

[113] F. Coccopalmerio, La Rota romana e l’interpretazione della legge in Quaderni dello Sudio Rotale 2008 (XVIII), p. 117 et suiv.

[114] Jean-Paul II, Allocution du 26 janvier 1984, AAS 76 (1984), p. 647, n. 6.

[115] « Certains soutiennent que l’interprétation authentique ne soit que celle qui est produite législativement, tout en reconnaissant que, dans un acte juridique, judiciaire ou administratif, puisqu’on applique la loi, on en donne aussi son interprétation qui, accidentellement seulement, peut avoir une valeur générale à travers la jurisprudence et la pratique de la Curie romaine, comme cela est prévu dans le can. 19 » (F. Coccopalmerio, La Rota romana e l’interpretazione della legge, p.117). Cela ne laisse normalement pas beaucoup de place à une éventuelle interprétation évolutive, vu que ce recours ne doit intervenir qu’en cas de lacuna legis et qu’il ne sagit pour le juge encore une fois que dire ce qui est juste et non de créer quelque chise de nouveau.

[116] A. Stankiewicz, L’unità della giurisprudenza e il ruolo della Rota Romana in Quaderni dello Studio Rotale, 2010 (XX), p.135 et suiv.

[117] Codex Iuris Canonici. Auctoritate Ioannis Pauli PP. II promulgatus, fontium annotatione et indice analytico-alphabetico auctus, Città del Vaticano, 1989.

[118] «la giurisprudenza ecclesiastica non può nè deve trascurare il genuino progresso delle scienze che toccano la materia morale e giuridica; nè può riputarsi lecito e convenevole il respingerle soltanto perchè sono nuove. Forse che la novità è nemica della scienza? Senza nuovi passi oltre il vero già conquistato, come potrebbe avanzare l’umana conoscenza nell’immenso campo della natura? Occorre però esaminare e ponderare con acume e accuratezza se si tratti di vera scienza, cui bastevoli esperimenti e prove conferiscano certezza, e non già soltanto di vaghe ipotesi e teorie, non sostenute da positivi e solidi argomenti; nel qual caso, non varrebbero a costituire la base per un sicuro giudizio, che escluda cioè ogni dubbio prudente» AAS 33 (1941), p. 423, n.1.

[119] F. Coccopalmerio, La Rota romana e l’interpretazione della legge, op.cit., p. 122. Voir aussi: L. Lastei, Il ruolo della giurisprudenza della Rota Romana nell’evoluzione del diritto, Roma 2012.

[120] Jean-Paul II, Allocution à la Rote Romaine, 28 janvier 1982, AAS 74 (1982), p. 453, n. 8.

[121] can. 1608, § 3.

[122] Mgr Stankiewicz distingue entre unité et harmonie, terme qu’il juge insuffisant appliqué à la jurisprudence. En effet, le terme harmonie risque d’être réducteur car signifiant « une unité fondée sur des critères statistiques ou sur des préoccupations de sauvegarde d’autonomie plutôt que d’édifier la communio in iustitia et veritate » (A. Stankiewicz, L’unità della giurisprudenza, op. cit. p.145).

[123] « En dehors de la valeur formelle que chaque organisation juridique peut attribuer aux précédents judiciaires, il ne fait aucun doute que les décisions particulières concernent d’une certaine manière la société tout entière. En effet, celles-ci déterminent ce que tous peuvent attendre des tribunaux, ce qui influence certainement le cours de la vie sociale. N’importe quel système judiciaire doit chercher à offrir des solutions dans lesquelles, en même temps que l’évaluation prudente des cas dans leur singularité concrète, soient appliquées les mêmes principes et les mêmes normes générales de justice. Ce n’est que de cette façon que se crée un climat de confiance dans l’action des tribunaux et que l’on évite le caractère arbitraire des critères subjectifs » (allocution de Benoît XVI à la Rote romaine du 26 janvier 2008, AAS 100 (2008), p. 84). « En réalité, l’interprétation authentique de la Parole de Dieu, accomplie par le magistère de l’Eglise possède une valeur juridique dans la mesure où elle concerne le domaine du droit, sans avoir besoin d’aucun autre passage formel supplémentaire pour devenir juridiquement et moralement contraignante. Pour une saine herméneutique juridique, il est ensuite indispensable de saisir l’ensemble des enseignements de l’Eglise, en plaçant de façon organique chaque affirmation dans le cadre de la tradition. De cette façon, on pourra échapper aussi bien à des interprétations sélectives et déviantes qu’à des critiques stériles de certains passages » (allocution de Jean-Paul II à la Rote romaine du 29 janvier 2005, AAS 97 [2005], p. 166, n. 6).

[124] Ibid. : « Outre la valeur intrinsèquement raisonnable inhérente à l’œuvre d’un Tribunal qui prend généralement des décisions en dernière instance dans les procès, il est clair que la valeur de la jurisprudence de la Rote romaine dépend de sa nature d’instance supérieure dans le degré d’appel auprès du Siège apostolique ».

[125] Communicationes 10 (1978), p. 243.

[126] V. de Paolis, La giurisprudenza del Tribunale della Rota Romana e i Tribunali locali, in Quaderni dello Sudio Rotale 2008 (XVIII),  p.135.

[127] Ibid., p. 136.

[128] Voir la critique de cette affirmation : les tribunaux devant théoriquement s’autoréguler sur la vraie doctrine du mariage développée par le Magistère, sur une juste anthropologie et évidemment sur le droit divin et positif, de même que sur la recherche de la vérité. De plus certains instituts processuels sont de nature à renforser l’unité comme le videntibus omnibus, l’appel effectué par les tribunaux inférieur et de façon plus périphérique, la publication des Decisiones et des statistiques dans le volume l’Attività della Santa Sede. A. Stankiewicz, L’unità della giurisprudenza, op.cit. p. 147.

[129] « Il convient à un titre particulier d’étudier la jurisprudence de la Rote Romaine, puisque c’est son rôle de veiller à l’unité de la jurisprudence et d’aider les tribunaux inférieurs par ses propres sentences ». « Pour obtenir dans toute l’Eglise l’unité fondamentale de la jurisprudence qu’exigent les cause matrimoniales, il est nécessaire que tous les tribunaux de degrés inférieurs regardent vers les tribunaux apostoliques, c’est-à-dire vers le Tribunal de la Rote romaine, qui a pour tâche de veiller à « l’unité de la jurisprudence » et « d’aider par ses propres sentences les tribunaux inférieurs (Pastor Bonus, art. 126) » (DC, Introduction).