« Vatican II est parti d’une Église qui voulait plaire au monde, comme une mère aimante et douce, fiable et accueillante. Un désir compréhensible, mais qui a ouvert la porte à l’apostasie »: voici un recueil de textes rassemblés et publiés sous la responsabilité d’AM Valli, qui rouvre le débat sur Vatican II. Avec des contributions prestigieuses, entre autres celles de Roberto de Mattei, du cardinal Joseph Zen, de Mgr Carlo Maria Viganò, et de Mgr Athanasius Schneider.
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L’autre Vatican II. Pourquoi on ne peut pas continuer avec la méthode de la quadrature du cercle
AM Valli
30 janvier 2021
Ma traduction
Je suis heureux d’annoncer la sortie du livre L’altro Vaticano II. Voci da un Concilio che non vuole mai finire , qui propose un regard alternatif et à contre-courant sur le Concile Vatican II, un thème essentiel si l’on veut aborder la question de la crise de l’Église et de la foi elle-même.
Le livre, publié par mes soins, offre des contributions d’Enrico Maria Radaelli, du père Serafino Maria Lanzetta, du père Giovanni Cavalcoli, de Fabio Scaffardi, d’Alessandro Martinetti, de Roberto de Mattei, du cardinal Joseph Zen Ze-kiun, d’Eric Sammons, de Monseigneur Carlo Maria Viganò, de Monseigneur Guido Pozzo, de Giovanni Formicola, de Don Alberto Strumia, de Monseigneur Athanasius Schneider.
Le thème du Concile Vatican II ressemble à un fleuve souterrain. Même si pendant longtemps il n’émerge pas à la surface, nous savons qu’il est là et marque en profondeur notre appartenance à l’Église. Puis, lorsqu’il se manifeste à nouveau, ponctuellement, il fascine et divise. Parce qu’on ne peut pas le contourner.
Dans ce livre, Vatican II est vu dans la perspective de ceux qui, tout en souhaitant éviter d’accentuer des fractures déjà trop douloureuses, ne peuvent en conscience cacher les conséquences négatives auxquelles ont conduit nombre des contenus du Concile à différents niveaux, de la liturgie à la vie de foi.
Vatican II est parti d’une Église qui voulait plaire au monde, comme une mère aimante et douce, fiable et accueillante. Un désir compréhensible, mais qui a ouvert la porte à l’apostasie. Jésus n’a jamais voulu plaire au monde, ni accorder de rabais d’aucune sorte afin de paraître sympathique et dialoguant.
Mais le drame du Concile a été ailleurs. L’Église a commencé l’opération de restyling et de renouvellement en étant en retard par rapport au monde. C’est toujours comme cela: lorsque l’Église essaie de faire comme le monde, son action est en retard. Parce que le monde, sur la voie du péché, ou plutôt de la tentative de mettre l’homme à la place de Dieu, va vite et invente toujours du nouveau, et l’Église, quels que soient ses efforts, ne peut que suivre. Ainsi, le Concile a commencé à courir après le monde, au moment même où celui-ci se rendait déjà compte, quoique de façon confuse, que le désir d’autonomie de l’homme par rapport à Dieu ne pouvait conduire qu’à d’immenses désastres sur tous les plans: du plan social et politique à celui culturel et moral.
Dans l’intervalle, la dogmatisation du Concile a commencé. Curieux : un Concile qui se voulait non dogmatique est lui-même devenu un dogme. Si, au contraire, nous parvenons à le considérer comme un événement aux multiples visages, avec les espoirs qu’il nous a donnés mais aussi avec toutes ses limites intrinsèques et les erreurs de perspective qui l’ont marqué, nous rendrons un bon service à l’Église et à la qualité de notre foi.
Souvent, le fait de regarder en face les origines de la maladie provoque un sentiment de tristesse et une impression insidieuse d’échec peut survenir. Néanmoins, cela doit être fait si nous voulons trouver le chemin de la guérison.
Dans le livre, il y a de la place pour différentes modulations. Si le père Giovanni Cavalcoli, par exemple, écrit que les résultats pastoraux du Concile peuvent être débattus, mais que les doctrines doivent être acceptées, et si Mgr Guido Pozzo propose un chemin entre renouvellement et continuité, certains, comme Eric Sammons, admettent que s’ils ont autrefois défendu le Concile, ils le contestent maintenant ouvertement. Et si don Alberto Strumia, tout en admettant que le Concile a de nombreux défauts, soutient que nous ne devons pas en faire le bouc émissaire, Mgr Carlo Maria Viganò et Mgr Athanasius Schneider expliquent pourquoi la maladie moderniste doit être diagnostiquée en profondeur, afin de fournir un médicament adéquat.
Un demi-siècle après la fin du Concile, il est enfin nécessaire d’approfondir la substance des questions posées par Mgr Lefebvre, mais aussi par de nombreux autres observateurs et représentants de l’Église, jusqu’aux positions récentes prises, précisément, par Viganò et Schneider. L’herméneutique de la continuité ne résiste pas à l’épreuve des faits. Par exemple, en ce qui concerne la royauté sociale du Christ et la fausseté objective des religions non chrétiennes, Vatican II marque une rupture avec l’enseignement des papes précédents et conduit à l’issue objectivement inacceptable de la déclaration d’Abou Dhabi signée par François. En accusant les critiques de rester attachés à un passé qu’il faut surmonter, la nécessité de dépasser l’enseignement de tous les papes jusqu’à Pie XII est implicitement affirmée. Mais « une telle position théologique », observe Mgr Schneider, « est en fin de compte protestante et hérétique, puisque la foi catholique implique une tradition ininterrompue, une continuité ininterrompue, sans rupture doctrinale et liturgique perceptible.
Avec la déclaration d’Abou Dhabi, Amoris laetitia, Laudato si’ et Fratelli tutti sont les documents qui devraient nous inciter à réfléchir à l’ampleur de la rupture. Il suffit de dire que l’encyclique sur la fraternité manque d’un horizon clairement surnaturel et de la proclamation de la vérité selon laquelle le Christ est la source indispensable de la vraie fraternité.
La destruction de la foi catholique et de la Sainte Messe, non seulement tolérée mais souvent promue par les plus hautes autorités du Saint-Siège, ne peut laisser les baptisés inertes. Reconnaître les racines de la maladie est un devoir. Une résistance est nécessaire. Cette résistance doit être d’autant plus explicite et cohérente que la dogmatisation du Concile s’y oppose.
Les problèmes sont arrivés très vite et certains ne les ont pas cachés. En témoigne l’affrontement dramatique qui a eu lieu à Castel Gandolfo le 11 septembre 1976 entre Paul VI et Mgr Marcel Lefebvre. « Vous êtes dans une position terrible! Vous êtes un antipape », s’est exclamé Montini. « Ce n’est pas vrai. Je cherche seulement à former des prêtres selon la foi et dans la foi », a répondu le fondateur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. En relisant le contenu de cette très dure confrontation (grâce au procès-verbal dressé par Mgr Benelli, alors substitut de la Secrétairerie d’État), on comprend que les questions sont sur la table depuis longtemps.
À un certain moment, Paul VI s’est exclamé: « Vous avez dit au monde entier que le pape n’a pas la foi, qu’il ne croit pas, qu’il est un moderniste, etc. Je dois, oui, être humble, mais vous êtes dans une position terrible. Vous accomplissez des actes, devant le monde, d’une extrême gravité ». Et Mgr Lefebvre de répondre : « Ce n’est pas moi qui veux créer un mouvement, ce sont les fidèles qui sont déchirés par le chagrin et qui n’acceptent pas certaines situations. Je ne suis pas le chef des traditionalistes. Je suis un évêque qui, affligé par ce qui se passe, a essayé de former des prêtres comme il le faisait avant le Concile. Je me comporte exactement comme je le faisais avant le Concile. Je ne peux donc pas comprendre comment il est possible que je sois soudainement condamné pour le fait de former des prêtres dans l’obéissance à la saine tradition de la Sainte Église ».
Aujourd’hui, en l’an 2021, il serait temps de mettre de côté la malheureuse méthode de la « quadrature du cercle », c’est-à-dire la tentative de justifier l’injustifiable. L’expression « herméneutique de la continuité » ne peut être utilisée comme une formule magique pour cacher la réalité, et la réalité est que le Concile a porté en lui les germes de la catastrophe qui est sous nos yeux aujourd’hui.
Le paradoxe est que la demande de nombreux laïcs, c’est-à-dire que la clarté soit enfin établie, que les erreurs soient reconnues et corrigées et que l’enseignement soit ramené à la tradition, est snobée par ce que Mgr Athanasius Schneider appelle « la nomenklatura ecclésiastique ». Précisément les clercs qui, pendant des décennies, ont prêché et sollicité, au nom du Concile, un rôle de premier plan pour les laïcs, retombent aujourd’hui dans le cléricalisme le plus vil et enjoignent aux laïcs de plier, de se taire. « Mais les fidèles laïcs », dit Schneider, « doivent répondre à ces clercs arrogants ».
Par ailleurs, si l’on observe les faits d’un œil sec, en laissant le mythe derrière soi, Vatican II apparaît immédiatement comme « un gigantesque étalage de triomphalisme clérical » (ce sont encore les mots de Schneider), et c’est là que se trouve la racine de la dérive actuelle au sens synodal, c’est-à-dire de cet « ecclésiocentrisme » et de ce « magistère » qui ignorent obstinément ce que dit, entre autres, le Concile lui-même: « Le magistère n’est pas supérieur à la parole de Dieu, mais la sert » (Dei verbum, non. 10).
Avec le Concile et après le Concile, l’Église a agi contrairement à ce que nous lisons dans Dei verbum. Le magistère n’est plus le serviteur de la parole et de la tradition. La perspective a été inversée. Le Christ lui-même n’est plus au centre et, de plus en plus, n’est même pas nommé.
La vérité, comme le soutient Schneider, est que, au cours du Concile Vatican II, « l’Église a commencé à s’offrir au monde, à flirter avec le monde, à manifester un complexe d’infériorité par rapport au monde ». Si avant le Concile, les clercs montraient au monde le Christ et non eux-mêmes, à partir du Concile, l’Église catholique a commencé à « implorer la sympathie du monde » et aujourd’hui, elle le fait plus que jamais, mais « cela est indigne d’elle et ne lui vaudra pas le respect de ceux qui cherchent vraiment Dieu ».