Guy Montarien, L’homme qui plantait des âmes, résumé du livre de Jean-François Chemain, Via Romana, 2020
Guy Montarien, L’homme qui plantait des âmes, par Jean-François Chemain,
Via Romana – Versailles – décembre 2020 – 193 p. – 23€
Quinze ans après la mort du prêtre exceptionnel que fut Guy Montarien, ceux qui l’ont connu sont encore tourmentés par l’absence d’un livre qui conserve sa mémoire . Comment rassembler les témoignages d’une multitude de gens qui se sont sanctifiés à son contact mais n’ont jamais rien écrit ou si peu ?… Et voilà que Patrick Récipon pense à J-F Chemain qui a déjà donné des preuves de son talent littéraire et de l’orientation de ses idées , mais qui n’a jamais connu le défunt abbé. Qu’à cela ne tienne ! Tous ceux qui l’ont connu et pourront être contactés fourniront leur témoignage et les documents qu’ils possèdent encore . À Jean-François d’en faire la synthèse ! Ce n’est pas une petite affaire , mais il s’en charge. Il en résulte un livre passionnant et sanctifiant, bien propre à donner confiance à nos contemporains dans les voies de la Providence .
Qui était l’abbé Montarien ? Né en 1925, ordonné à 29 ans en 1954, après quelques études supérieures et un séjour en Angleterre, prêtre diocésain jusqu’en 1973 , chargé de divers ministères, il est généralement apprécié de ses fidèles ; il se soumet sans mot dire à ce qui est obligatoire : il adopte le nouvel ordo de la messe, mais le dit en latin et n’utilise que le premier canon. Il continue à pratiquer ce qui n’est pas formellement interdit : enseigne le catéchisme par questions et réponses, passe des heures à confesser, et surtout garde sa soutane qui lui vaut le rejet dans l’Église, mais de fructueuses rencontres… D’abord amicalement invité à le rejoindre, en 1968, par un confrère , à St André de l’Europe, son attitude est si différente de celle des autres prêtres , auxquels il n’adresse pourtant pas la moindre critique, qu’au bout de cinq ans, il est déchargé de toute fonction officielle et privé de son logement. Mais il conserve son celebret qui lui est renouvelé d’année en année. Dans une situation semi-officielle, “marginalisé par l’église, il y conservait une immense aura“. La haute hiérarchie l’observe. Peut-être sera-t-il utile un jour. Il approche de la cinquantaine. Que faire ?
La Providence veillait. Tout s’arrange et prend tournure. Une riche paroissienne, séparée de son mari (mais non divorcée), et sans enfants, lui fait cadeau d’un petit 2 pièces au rez-de-chaussée, 4 rue de Turin, assure le plus souvent son déjeuner, et met à sa disposition son grand appartement quand il a besoin de réunir une troupe de scouts. Quand elle meurt en 1992, une autre prend la relève . Une rencontre avec le P. Dziech, qui ne dépend pas de l’archevêque de Paris, lui ouvre les portes de la paroisse polonaise installée en plein cœur de la capitale, dans une belle église en rotonde datant du XVIIe s. Elle ne tardera pas à ce remplir de scouts à qui il impose, à la messe, une attitude impeccable et où il pratique, avec le nouvel ordo, une liturgie latine très soignée. Lorsque c’est possible, de bons musiciens l’accompagnent. Il évite ainsi, à ceux qui le suivent, une querelle des rites. Une autre épreuve le frappe quand, en 1977, une grande partie de ceux dont il s’était occupé jusque là, le quittent pour St Nicolas du Chardonnet. Mais l’église polonaise ne tarde pas à se remplir de nouveau. Pendant une trentaine d’années (1974-2004), l’abbé Montarien exerce, dans la discrétion, le plus fécond des apostolats auquel est consacré l’essentiel du livre (à partir de la p. 45) une mission qui n’avait plus rien d’officiel, qu’il n’avait pas cherchée , un appel du Ciel.
Il n’a jamais été scout et n’est pas particulièrement intéressé par le scoutisme. Pourtant, la première clientèle qui s’est offerte à lui est celle de scouts, socialement très mêlés, qu’il emmène en de grandes randonnées dans l’Ouest parisien . On se réunit d’abord dans une péniche amarrée près du pont de St Cloud, fournie par Dassault. Une autre de ses activités est le pèlerinage de Chartres. Il ne participe pas à son organisation, mais il est là, toujours présent et prêt à recueillir des confessions et à donner des orientations. Il organise des pèlerinages à Alençon, à Domrémy, et ailleurs, toujours disponible et prêt à se rendre où on l’appelle . Il ne fait jamais de politique. À la paroisse polonaise, il dit la messe tous les jours et le bouche à oreille fonctionne. Il fait le plein. Il est plus à l’aise avec les garçons qu’il tutoie qu’avec les filles qu’il vouvoie, en particulier dans ses séances de catéchisme à l’institution St Pie X de Saint Cloud. En 1977, dans les années difficiles de l’après concile, il voit avec douleur un grand nombre de ceux qui l’ont suivi jusque-là le quitter pout St Nicolas du Chardonnet. Mais bientôt, beaucoup de jeunes gens qui n’ont pas voulu les suivre, et sont découragés par la religion officielle, se regroupent autour de lui. C’est un point fixe dans le bordel ambiant
Ce prêtre discret est un personnage à deux faces : C’est un homme replet, joyeux et généreux, financièrement aidé par des personnes anonymes, qui mange et boit bien à table, et, dans les moments de détente, sait pousser la chansonnette, parfois à la limite du convenable, comme le montre le florilège rassemblé en fin de volume par J-F Chemain, avec des articles parus dans la revue scoute Birex, et quelques lettres à ses dirigés. Il est joyeux, certes, mais , comme il le dit en conclusion d’un article de Birex, “je suis joyeux parce que je veux l’être. Je suis joyeux quand je veux l’être”. Certains signes, malgré sa discrétion, montrent qu’il y a aussi chez lui un ascète, qui se lève le matin à quatre heures trente pour une heure de méditation, qui a renoncé progressivement à la cigarette et aux invitations en ville, qui au moins à la fin de sa vie, selon une confidence au P. Diesz, se donne la discipline… Il écrit quelque part “un saint est quelqu’un qui a cessé de se regarder et qui ne regarde que Dieu”
Dans une ambiance “gavroche”, pendant une séance de “catéchisme ouvert”, dans les locaux de la “Polo“, animé d’une profonde ferveur, il dispense une solide formation doctrinale, un enseignement très sûr et très complet . À la fin, on chantait un Salve Regina qu’on suivait dans les prières, à la fin de son manuel, après quoi , il confessait quelques uns. Il se confesse lui-même tous les lundis au même prêtre de l’Opus Dei . “La direction spirituelle et la confession, c’est ce qui me prend le plus de temps“, dit-il. Sa soutane, qu’il continue à porter, comme l’abbé Guérin, avec qui il est en relation, le met en marge du clergé officiel, mais lui vaut beaucoup de bonnes rencontres. Disponible pour les plus difficiles missions, il accepte de voir Paul Touvier en prison, une fois par semaine et parfois deux, de 1989 jusqu’à sa mort en 1996. Dévot de la Vierge Marie on le trouve souvent, chez lui, en train d’égrener son chapelet. En fait, il ne se soucie que du salut des âmes. La vie spirituelle de l’abbé, forte et discrète à la fois, impressionne . Seul, Notre-Seigneur sait le nombre de vocations qu’il a suscitées, combien précieuses, à une époque où l’église catholique subit une crise d’une particulière intensité, vocations sacerdotales et monastiques, mais aussi bons et solides mariages, avec de nombreux enfants élevés dans la religion catholique .
Les 5 et 6 juin 2004, beaucoup de ses anciens dirigés se regroupent à Paray le Monial pour fêter le cinquantième anniversaire de son ordination. Il est très amaigri et semble “au bout du rouleau” dans cette réunion de famille dont reste un livre d’or rempli des messages qui célèbrent sa fécondité extraordinaire. Il a encore un an à vivre et meurt le 13 juin 2005.
Il est maintenant notre intercesseur pour la réconciliation à l’intérieur de l’Église, encore si divisée. On aimerait que le livre que Jean-François Chemain a eu le mérite de composer, serve de base à une enquête qui le rendrait d’abord “vénérable”, puis “bienheureux ” et finalement peut-être “saint”. Il l’aurait bien mérité !