Mgr Dominique Lebrun – Interventions de Karol Wojtyla au concile Vatican II – recension par le P. Paul Cocard, fsj
Mgr Dominique Lebrun, Interventions de Karol Wojtyła au concile Vatican II,
Parole et Silence, 2012, 260 p.
Précédées d’une courte préface du cardinal Etchegaray et d’une présentation conséquente de Mgr Dominique Lebrun, les vingt-deux interventions de Mgr Karol Wojtyła sont présentées tout d’abord dans leur traduction française, puis dans le texte original latin. Mgr Dominique Lebrun étudie la réponse de Mgr Karol Wojtyła à l’enquête préparatoire du concile Vatican II (1962-1965), lancée par Jean XXIII, auprès de tous les évêques. Il relève l’insistance de Mgr Wojtyła pour une Église, à la suite du mystère de l’incarnation du Verbe, plus incarnée et attentive à son temps, puis son personnalisme, son œcuménisme et sa préoccupation pour les prêtres, les religieux et les laïcs. Durant le Concile, il note que Mgr Wojtyła intervient plus souvent que la moyenne des évêques et que, sur ses vingt-et-une interventions, les trois quarts ont lieu lors de la préparation des constitutions Lumen Gentium (6 fois) et Gaudium et spes (5 fois) et de la déclaration Dignitatis Humanæ, sur la liberté religieuse (4 fois). A la différence de nombreux commentateurs, Mgr Lebrun relativise, par rapport à ses autres interventions, sa participation à Gaudium et Spes. Comme les 2500 Pères du Concile, sauf quelques-uns et seulement à la fin, Mgr Karol Wojtyła s’exprime toujours en latin, langue concise qu’il maîtrise bien, par écrit (14 fois) ou par oral (8 fois).
Parmi ses souhaits, Mgr Wojtyła suggère de définir la personne humaine, face alors aux différentes formes de matérialisme, mais sans jamais nommer, ni demander une condamnation du communisme. Pour l’œcuménisme, à la suite de saint Paul, il considère l’Église comme le Corps du Christ. Pour les frères séparés par le schisme, péché contre la charité, ou l’hérésie, péché contre la foi, il met en valeur leur amour du Christ et demande que l’on mette « un accent moindre sur ce qui nous sépare » et que l’on recherche « tout ce qui nous concilie » (p.30). Pour les laïcs, il plaide pour une définition doctrinale du laïcat, une reconnaissance et une meilleure collaboration entre les laïcs et le clergé et un abandon du paternalisme de la part de ce dernier. Pour la formation des prêtres, il voudrait que soit bien mis en évidence le lien entre le célibat sacerdotal et « le privilège inouïe de célébrer le sacrifice de l’autel » (p.32), suggère une réforme du bréviaire et, en évitant tout sécularisme, une plus grande insertion des clercs dans les réalités humaines. Pour le célibat sacerdotal, face aux violations de cette loi, il s’interroge : « Relâcher la discipline est-elle ou non au service du bien spirituel et de la sainteté du clergé ? On doit y réfléchir et s’interroger avec une immense prudence et une très grande sollicitude » (p.34-35). Pour les séminaristes, il recommande une meilleure formation au ministère et à la mission, et de mettre l’accent non pas tant sur la formation morale que sur une formation intellectuelle et supérieure, comparable à celle des universités. Pour la vie religieuse, il demande son adaptation « aux saines aspirations de ce temps » (p.35). Il condamne la « séparation du monde et des hommes avec comme unique objectif son propre salut » au profit d’une « autre conception selon laquelle la vie cloîtrée, monastique, religieuse constitue la pointe principale de l’Église militante pour l’extension du Règne de Dieu en ce monde » (p. 35-36). Pour la liturgie, il se prononce pour une simplification du cérémonial pontifical et la possibilité de célébrer la messe à tout moment de la journée. Pour le droit canon, il souhaite un droit pénal plus simple et l’extension de la faculté d’entendre les confessions à tout le pays.
Lors de la première session, en 1962, Mgr Karol Wojtyła intervient à propos du schéma sur la liturgie. Il plaide pour un développement de l’aspect pastoral de la liturgie des sacrements et demande un changement de titre pour le schéma ‘Les sources de la révélation’. A propos du schéma sur les moyens de communications sociales, il souligne que leur usage est bon seulement lorsqu’il « sert une culture humaine vraie et qu’il fait grandir la vie intérieure » (p.46). Dans son intervention suivante, il défend, à nouveau, la nécessité de promouvoir le sens de la personne.
Durant la seconde session, en 1963, il se prononce pour la réunion du schéma sur la Vierge Marie au schéma De Ecclesia et plaide pour que soit mis en évidence que la vocation de l’Église est de conduire les hommes à la sainteté. Il intervient ensuite pour que les droits de la personne et de sa conscience soient plus cohérents avec les droits de la vérité. Pour le schéma sur les laïcs, il demande qu’il soit mieux ordonné. Le 30 décembre 1963, Mgr Karol Wojtyła est nommé archevêque de Cracovie.
Pendant la troisième session, en 1964, il demande que la doctrine de la collégialité soit plus articulée sur la Tradition de l’Église. Il défend successivement une conception évangélique de la liberté, comme fruit de la vérité, et le dialogue, comme un moyen de l’apostolat contemporain. Ses trois autres interventions, sur le schéma de l’Église dans le monde, proposent le remaniement du texte et des amendements, appuyés par de nombreuses références bibliques.
Lors de la dernière session, en 1965, il intervient pour demander que la liberté religieuse soit reliée à la responsabilité. Puis il ne craint pas d’affirmer que le schéma sur l’Église dans le monde de ce temps est plus un ensemble d’idées à prendre en considération qu’une constitution conciliaire proprement dite et souligne son manque de réalisme chrétien. Ses trois dernières et courtes interventions sont sur la famille, la culture et le prêtre, qu’il appelle à regarder comme un « héraut de la miséricorde divine » (p. 160).
Cet ouvrage permet certainement de mieux comprendre le pontificat de Jean-Paul II, qui, même s’il n’en a pas été l’un des ténors, a participé pleinement au concile Vatican II. Comme la quasi totalité des Pères, il en a partagé les espérances d’un grand renouveau pour l’Église. Lors de son pontificat, à la suite de Paul VI, il dut souligner et mettre en garde contre certaines déviations, tout en demeurant un fidèle du Concile. Ses interventions le montrent comme un partisan de certaines réformes. Toutefois, par certaines expressions et certains développements, il se montre déjà très soucieux de préserver l’essentiel de la Foi et de l’enseignement traditionnel de l’Église.
P. Paul Cocard, fsj