Un concile valide mais frauduleux – Mgr C.M. Viganò (Jeanne Smits 4/07/2020)

Un concile valide mais frauduleux

Sur le blog de Jeanne Smits, 04 juillet, 2020

Mgr Carlo Maria Viganò répond à John-Henry Westen sur la validité du Concile Vatican II et l’attitude à avoir à son égard

Alors que Mgr Athanasius Schneider propose de rectifier certaines expressions ambiguës ou trompeuses du concile Vatican II, Mgr Viganó a adopté des termes plus radicaux à propos desquels le fondateur et directeur de LifeSiteNews, John-Henry Westen, l’a récemment interrogé. Je publie volontiers ci-dessous ma traduction des lettres qu’ils ont échangées ; traduction authentifiée par Mgr Viganò.

C’est une nouvelle étape dans les discussions à cœur ouvert sur « le Concile » menées désormais par ceux qui ont en quelque sorte longtemps vécu sous son empire. Certains, je le sais, notent que rien de très nouveau ne se dit par rapport aux critiques formulées dès les années 1960 par des ecclésiastiques et des laïcs qui avaient tout de suite perçu les menaces dont les textes conciliaires étaient porteurs vis-à-vis de la doctrine traditionnelle de l’Eglise, et qui se sont battus contre le saccage de la liturgie : je pense à Jean Madiran, à Mgr Marcel Lefebvre, à l’abbé Berto et tant d’autres, en France notamment.


Mais la nouveauté réside dans une libération de la parole et une prise de conscience qui ont, paradoxalement, été favorisées par le pontificat actuel. Des frontières se redessinent ou plus exactement deviennent plus perméables entre ceux qui ont le souci de l’Eglise et du salut des âmes.


Forcément, les approches sont diverses, comme en témoigne justement la différence des solutions proposées par Mgr Schneider et Mgr Viganò. Mais il faut comprendre qu’elles ne sont pas marginales : elles ont du poids, un poids que je qualifierais de providentiel dans les circonstances actuelles. – J.S.

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Cher Monseigneur Viganò,

J’espère obtenir une clarification de votre part sur vos derniers textes concernant le concile Vatican II.

Dans votre texte du 9 juin, vous dites qu’« il est indéniable qu’à partir de Vatican II, une église parallèle a été construite, superposée et diamétralement opposée à la véritable Église du Christ ».

Dans l’interview que vous avez ensuite accordée à Phil Lawler, celui-ci a posé la question suivante : « Quelle est la solution ? Mgr Schneider propose qu’un futur Pontife rejette les erreurs ; votre Excellence trouve cela insuffisant. Mais alors comment corriger les erreurs, de manière à maintenir l’autorité d’enseignement du Magistère ? »

Vous avez répondu : « Il appartiendra à l’un de ses Successeurs, le Vicaire du Christ, dans la plénitude de sa puissance apostolique, de reprendre le fil de la Tradition là où il a été coupé. Ce ne sera pas une défaite, mais un acte de vérité, d’humilité et de courage. L’autorité et l’infaillibilité du Successeur du Prince des Apôtres ressortiront intactes et reconfirmées. »

Il n’en résulte pas clairement si vous croyez que Vatican II est un concile invalide, et qui doit donc être complètement rejeté, ou si vous croyez que, tout en étant valide, ce concile contenait de nombreuses erreurs et qu’il serait plus profitable pour les fidèles qu’on le fasse oublier, afin qu’ils puissent plutôt s’inspirer de Vatican I et d’autres conciles pour s’en nourrir.

Je crois que cette clarification serait utile.

Dans le Christ et sa Mère bien-aimée,

JH

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1er juillet 2020

In festo Pretiosissimi Sanguinis

Domini Nostri Iesu Christi

Cher John-Henry,

Je vous remercie pour votre lettre, qui me donne l’occasion de clarifier ce que j’ai déjà exprimé à propos de Vatican II. Cette question délicate fait intervenir d’éminentes personnalités ecclésiastiques, et un nombre non négligeable de laïcs érudits : j’espère que ma modeste contribution pourra aider à lever la chape d’équivoques qui pèse sur le Concile, et ainsi à aboutir à une solution partagée.

Votre lettre part de ma première observation : « Il est indéniable qu’à partir de Vatican II, une église parallèle a été construite, superposée et diamétralement opposée à la véritable Église du Christ », puis je cite mes paroles sur la solution à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui : « Il appartiendra à l’un de ses Successeurs, le Vicaire du Christ, dans la plénitude de son pouvoir apostolique, de reprendre le fil de la Tradition là où il a été coupé. Ce ne sera pas une défaite, mais un acte de vérité, d’humilité et de courage. L’autorité et l’infaillibilité du Successeur du Prince des Apôtres ressortiront intactes et reconfirmées. » 

Vous affirmez ensuite que ma position n’est pas claire – « si vous croyez que Vatican II est un concile invalide, et qui doit donc être complètement rejeté, ou si vous croyez que, tout en étant valide, ce concile contenait de nombreuses erreurs et qu’il serait plus profitable pour les fidèles qu’on le fasse oublier ». Je n’ai jamais pensé et encore moins affirmé que Vatican II ait été un Concile œcuménique invalide : il a en effet été convoqué par l’autorité suprême, par le Souverain Pontife, et tous les évêques du monde y ont pris part. Vatican II est un concile valide, qui bénéficie de la même autorité que Vatican I et le Concile de Trente. Cependant, comme je l’ai déjà écrit, dès son origine, il a fait l’objet d’une grave manipulation par une cinquième colonne qui a pénétré au cœur même de l’Église et qui en a perverti les objectifs, comme le confirment les résultats désastreux que chacun peut voir. Rappelons que lors la Révolution française, le fait que les états généraux aient été légitimement convoqués le 5 mai 1789 par Louis XVI n’a pas empêché leur dégénérescence en la Révolution et en la Terreur (la comparaison n’est pas déplacée, puisque le cardinal Suenens a appelé l’événement du Concile « le 1789 de l’Église  »).

Dans sa récente intervention, Son Éminence le cardinal Walter Brandmüller a soutenu que le Concile se situe dans la continuité de la Tradition, et il en veut ceci pour preuve : « Il suffit de jeter un coup d’œil aux notes du texte. On peut ainsi constater que dix conciles antérieurs sont cités par le document. Parmi ceux-ci, Vatican I est cité 12 fois, et Trente 16 fois. De cela il ressort déjà clairement que, par exemple, toute idée de “distanciation par rapport au Concile de Trente” est absolument exclue. Le rattachement à la Tradition apparaît encore plus étroit si l’on pense que, parmi les papes, Pie XII est cité 55 fois, Léon XIII en 17 occasions, et Pie XI à douze reprises. S’y ajoutent Benoît XIV, Benoît XV, Pie IX, Pie X, Innocent I et Gélase. Le fait le plus impressionnant, cependant, est la présence des Pères de l’Eglise dans les textes de Lumen Gentium. Le Concile fait référence à l’enseignement des Pères à 44 reprises. Parmi eux : Augustin, Ignace d’Antioche, Cyprien, Jean Chrysostome et Irénée. En outre, les grands théologiens et docteurs de l’Église sont cités : Thomas d’Aquin est cité dans 12 passages au moins, avec sept autres personnes de poids. »

Comme je l’ai souligné pour le cas analogue du Synode de Pistoie, la présence d’un contenu orthodoxe n’exclut pas la présence d’autres propositions hérétiques et n’en atténue pas la gravité ; d’ailleurs la vérité ne peut servir à couvrir ne serait-ce qu’une seule erreur. Au contraire, les nombreuses citations d’autres conciles, d’actes magistériels ou des Pères de l’Église peuvent précisément servir à dissimuler, avec une intention malicieuse, les points controversés. À cet égard, il est utile de rappeler les paroles du Tractatus de Fide orthodoxa contra Arianos, cité par Léon XIII dans son encyclique Satis Cognitum :

« Rien ne saurait être plus dangereux que ces hérétiques qui, conservant en tout le reste l’intégrité de la doctrine, par un seul mot, comme par une goutte de venin, corrompent la pureté et la simplicité de la foi que nous avons reçue de la tradition dominicale, puis apostolique. »

Léon XIII commente ensuite :

« Telle a été toujours la coutume de l’Eglise, appuyée par le jugement unanime des saints Pères, lesquels ont toujours regardé comme exclu de la communion catholique et hors de l’Eglise quiconque se sépare le moins du monde de la doctrine enseignée par le magistère authentique. »

Dans les pages de L’Osservatore Romano, dans un article du 14 avril 2013, le cardinal Kasper a reconnu qu’« en de nombreux endroits [les Pères du Concile] ont dû trouver des formules de compromis dans lesquelles, bien souvent, les positions de la majorité (les conservateurs) se trouvent à côté de celles de la minorité (les progressistes), pour les circonscrire. Par conséquent, les textes conciliaires portent en eux-mêmes un énorme potentiel de conflit, ouvrant la porte à une réception sélective dans chacun des deux sens ». Voilà d’où proviennent les ambiguïtés qui en résultent, les contradictions manifestes et les graves erreurs doctrinales et pastorales.

On pourrait objecter que la prise en considération de la présomption de dol dans un acte du Magistère doit être rejetée avec dédain, dès lors que le Magistère doit viser à confirmer les fidèles dans la Foi ; mais peut-être est-ce précisément la fraude délibérée qui fait qu’un acte puisse s’avérer comme n’appartenant pas au Magistère, et qu’il puisse être condamné ou déclaré nul. Son Éminence le cardinal Brandmüller a conclu son commentaire par ces mots : « Il conviendrait d’éviter l’“herméneutique du soupçon” qui accuse d’emblée l’interlocuteur d’avoir des conceptions hérétiques. » Je partage certes ce sentiment dans l’abstrait et en général, mais je pense qu’il convient d’établir une distinction pour mieux cerner un cas concret. Pour ce faire, il est nécessaire d’abandonner l’approche, un peu trop légaliste, selon laquelle il faut considérer que toutes les questions doctrinales appartenant à l’Église doivent être traitées et résolues principalement sur le fondement d’une référence normative : n’oublions pas que la loi est au service de la Vérité, et non l’inverse. Et il en va de même pour l’Autorité qui de cette loi, est la ministre, et de cette Vérité, la gardienne. D’autre part, lorsque Notre Seigneur se trouva face à la Passion, la Synagogue avait déserté sa fonction propre de guide du Peuple Elu dans la fidélité à l’Alliance, tout comme une partie de la hiérarchie le fait depuis soixante ans.

Cette attitude légaliste est à la base de la duperie des Novateurs, ceux qui ont conçu une manière très simple de mettre la Révolution en marche, en l’imposant par l’autorité d’un acte que l’Ecclesia docens adoptait afin de définir les vérités de la Foi avec force contraignante pour l’Ecclesia discens, et en reprenant cet enseignement dans d’autres documents tout aussi contraignants, bien qu’à un degré différent. En somme, il a été décidé d’apposer l’étiquette “ Concile ”sur un événement conçu par certains dans le but de démolir l’Église, et pour ce faire, les conspirateurs ont agi avec une intention malveillante et dans un but subversif. Le P. Edward Schillebeeckx op l’a affirmé franchement : « Aujourd’hui nous nous exprimons de façon diplomatique, mais après le Concile, nous tirerons les conclusions implicites » (De Bazuin, n.16, 1965).

Il ne s’agit donc pas d’une « herméneutique du soupçon », mais au contraire de quelque chose de beaucoup plus grave qu’un soupçon, chose que corroborent une évaluation sereine des faits, et aussi l’aveu des protagonistes eux-mêmes. À cet égard, qui fait davantage autorité parmi eux que celui qui était alors le cardinal Ratzinger ?

« On avait de plus en plus l’impression que rien n’était stable dans l’Eglise, que tout était à revoir. Le Concile apparaissait de plus en plus comme un grand parlement d’Eglises capable de tout modifier et de tout remodeler à sa manière. Un ressentiment montait contre Rome et contre la Curie, désignées comme ennemi réel de toute nouveauté et de tout progrès. Le débat du Concile fut de plus en plus présenté selon le schéma partisan propre au système parlementaire moderne. Lorsque l’information était présentée de cette manière, la personne qui la recevait se voyait obligée de prendre parti pour l’un ou l’autre camp. (…) Si les évêques qui étaient à Rome pouvaient changer l’Église, et même la foi elle-même (comme ils semblaient pouvoir le faire), pourquoi cela serait-il réservé aux seuls évêques ? En tout cas, la foi pouvait, là, être changée, et contrairement à tout ce que nous pensions jusqu’alors, cette possibilité ne paraissait plus soustraite aux décisions humaines, mais selon toutes les apparences, elle était désormais apparemment déterminée par celles-ci. Désormais, on savait que les nouveautés proposées par les évêques avaient été apprises auprès des théologiens. Pour les croyants, ce fut un phénomène étrange : leurs évêques semblaient montrer à Rome un visage différent de celui qu’ils montraient chez eux » (d’après J. Ratzinger, Ma vie, éd. Fayard 2005).

À ce stade, il convient d’attirer l’attention sur un paradoxe récurrent dans les questions mondiales : le courant dominant (le mainstream) appelle « théoriciens du complot » ceux qui révèlent et dénoncent le complot que le courant dominant lui-même a conçu, afin de détourner l’attention du complot et de nier toute légitimité à ceux qui le dénoncent. De même, il me semble qu’il y a un risque de qualifier de coupables d’« herméneutique du soupçon » tous ceux qui révèlent et dénoncent la fraude conciliaire, comme s’il s’agissait de personnes qui accusent sans motif et « d’emblée leur interlocuteur de conceptions hérétiques ». Il faut au contraire déterminer si l’action des protagonistes du Concile peut justifier la suspicion à leur égard, voire prouver que cette suspicion est fondée ; et si le résultat qu’ils ont obtenu justifie qu’on évalue négativement l’ensemble du Concile, ou certaines de ses parties, ou encore d’aucune d’entre elles. Si nous persistons à penser que ceux qui ont conçu Vatican II comme un événement subversif rivalisaient de piété avec saint Alphonse et de doctrine avec saint Thomas, nous faisons preuve d’une naïveté qui cadre mal avec le précepte évangélique, et qui frise certainement, sinon la connivence, au moins l’insouciance. Je ne parle évidemment pas de la majorité des Pères du Concile, qui étaient certainement animés d’intentions pieuses et saintes ; je parle des protagonistes de l’événement conciliaire, des soi-disant théologiens qui, jusqu’à Vatican II, ont été frappés de censures canoniques et interdits d’enseigner, et qui, pour cette raison même, ont été choisis, promus et aidés, de sorte que leur réputation d’hétérodoxie est devenue pour eux un motif de gloire, tandis que l’orthodoxie incontestée du cardinal Ottaviani et de ses collaborateurs du Saint-Office a été une raison suffisante pour jeter au feu les schémas préparatoires du Concile, avec le consentement de Jean XXIII.

Je doute qu’à l’égard de Mgr Bugnini – pour ne citer que lui – une attitude de suspicion prudente soit critiquable ou dépourvue de charité ; bien au contraire, la malhonnêteté de l’auteur du Novus Ordo dans la poursuite de ses objectifs personnels, son adhésion à la Maçonnerie et ses propres aveux dans ses journaux intimes donnés à la presse, montrent que les mesures prises par Paul VI à son égard n’ont été que trop indulgentes et inefficaces, puisque tout ce qu’il a fait dans les Commissions conciliaires et à la Congrégation des Rites est resté intact et, malgré tout cela, est devenu partie intégrante des Acta Concilii et des réformes qui leur sont liées. Ainsi, l’herméneutique du soupçon est tout à fait bienvenue si elle sert à démontrer qu’il existe des raisons valables de soupçonner et que ces soupçons se matérialisent souvent dans la certitude d’une fraude intentionnelle.

Revenons maintenant à Vatican II, pour mettre en évidence le piège dans lequel les bons Pasteurs sont tombés, induits en erreur avec leur troupeau par un travail de tromperie des plus astucieux de la part de personnes notoirement infectées par le Modernisme, et dont il n’est pas rare que leur conduite morale ait été elle aussi dévoyée. Comme je l’ai écrit plus haut, la fraude consiste à avoir recours à un Concile comme l’emballage d’une manœuvre subversive, et à utiliser l’autorité de l’Église pour imposer la révolution doctrinale, morale, liturgique et spirituelle qui est ontologiquement contraire au but pour lequel le Concile a été convoque et son autorité magistrale exercée. Je le répète : l’étiquette « Concile » apposée sur l’emballage ne reflète pas son contenu.

Nous avons assisté à une manière nouvelle et différente de comprendre les mots du lexique catholique eux-mêmes : l’expression « concile œcuménique » utilisée pour le Concile de Trente ne coïncide pas avec le sens qui lui a été donné par les partisans de Vatican II, pour qui le terme « concile » fait allusion à la « conciliation » et le terme « œcuménique » au dialogue inter-religieux. L’« esprit du concile » est l’« esprit de conciliation, de compromis », tout comme l’assemblée conciliaire a été une attestation solennelle et publique du dialogue conciliateur avec le monde, pour la première fois dans l’histoire de l’Église.

Bugnini écrivait : « Nous devons dépouiller nos prières catholiques et la liturgie catholique de tout ce qui pourrait être l’ombre d’une pierre d’achoppement pour nos frères séparés, les protestants » (cf. L’Osservatore Romano, 19 mars 1965). A partir de ces paroles, nous comprenons que la réforme qui a été le fruit de la mens conciliare avait pour but d’atténuer la proclamation de la Vérité catholique afin de ne pas offenser les hérétiques : et c’est exactement ce qui a été fait, non seulement dans la Sainte Messe – horriblement défigurée au nom de l’œcuménisme – mais aussi dans l’exposé des dogmes dans les documents au contenu doctrinal ; l’utilisation du subsistit in en est un exemple très clair.

Il sera peut-être possible de débattre des motifs qui ont pu conduire à cet événement unique, si lourd de conséquences pour l’Église ; mais nous ne pouvons plus nier l’évidence et prétendre que Vatican II n’était pas quelque chose de qualitativement différent de Vatican I, malgré les tentatives héroïques, nombreuses et documentées, y compris de la part de la plus haute autorité, pour l’interpréter de force comme un normal Concile œcuménique. Toute personne dotée de bon sens peut voir que c’est une absurdité que de vouloir interpréter un Concile, puisqu’il est et doit être une norme claire et sans équivoque de la Foi et de la Morale. En second lieu, si un acte magistériel soulève des arguments sérieux et raisonnés selon lesquels il pourrait manquer de cohérence doctrinale avec les actes du Magistère qui l’ont précédé, il est évident que la condamnation d’un seul point hétérodoxe discrédite de toute façon l’ensemble du document. Si l’on ajoute à cela le fait que les erreurs formulées, ou que l’on comprend indirectement entre les lignes, ne se limitent pas à un ou deux cas, et que les erreurs affirmées correspondent à l’inverse à une énorme masse de vérités non réaffirmées, on peut se demander s’il ne serait pas juste d’expurger le catalogue des Conciles canoniques de cette dernière assemblée. Au bout du compte, c’est l’histoire qui jugera, et le sensus fidei du peuple chrétien, avant même qu’une sentence ne soit prononcée par un document officiel. L’arbre est jugé à ses fruits, et il ne suffit pas de parler d’un printemps conciliaire pour cacher le rude hiver qui s’abat sur l’Église ; ni d’inventer des prêtres mariés et des diaconesses pour remédier à l’effondrement des vocations ; ni d’adapter l’Évangile à la mentalité moderne pour obtenir plus de consensus. La vie chrétienne est un combat, pas une sympathique promenade à la campagne, et cela est vrai à plus forte raison pour la vie sacerdotale.

Je conclus par une demande adressée à ceux qui interviennent avec profit dans le débat sur le Conseil : je voudrais que nous cherchions avant tout à proclamer à tous les hommes la Vérité salvifique, parce que leur et notre salut éternel en dépend ; et que nous ne nous préoccupions que subsidiairement des implications canoniques et juridiques soulevées par Vatican II : anathema sit ou damnatio memoriae, cela importe peu. Si le Concile n’a vraiment rien changé à notre foi, alors reprenons le Catéchisme de saint Pie X, retournons au Missel de saint Pie V, restons devant le tabernacle, ne désertons pas le confessionnal, et pratiquons la pénitence et la mortification dans un esprit de réparation. C’est de là que jaillit l’éternelle jeunesse de l’Esprit. Et surtout : faisons-le en sorte que nos œuvres témoignent de manière solide et cohérente de ce que nous prêchons.

+ Carlo Maria Viganò, archevêque